J'avais besoin de toi. J'espérais ta présence
Et pourtant n'osais plus affronter ton regard.
Je maudissais mon cœur, ma honte et ton silence
Deux mots, tenacement, battaient mon front : trop tard !
Ton appel est venu. Et devant ce message
Pleine d'un bouillonnement secret, mystérieux,
Je n'ai pu retenir mon âme davantage
Tout mon être attendait l'épreuve de tes yeux.
Je me souviens : La rue était froide, inhumaine,
La foule était sans forme, indifférente, ailleurs,
La nuit, lourde de bruits, se fermait à ma peine
Et le monde était laid, gris à travers mes pleurs.
Soudain, tu apparu, mon sang battit plus fort.
Ton nom croisa le mien, tous deux se reconnurent
Gauchement, j'embrassais ta joue, et ton accord
Me surprit et m'émut bien plus que des injures.
La rue nous emporta, ce n'était plus la même,
Ma main tremblait de peur sur ta main retrouvée.
Tu posais des questions. Je répondais : je t'aime
Notre vie s'arrêta : elle était arrivée.
Ce que nous avons dit après n'a plus de sens.
Les mots, tout émoussés d'amour, ne blessaient plus.
Si nous avons parlé, ce fut avec nos sens.
Des mots, ah ! Nos Ьаіsегs en disaient beaucoup plus.
Ta voix m'enveloppait, tes yeux baignés de larmes
Étaient d'une douceur à se mettre à genoux.
Jamais, Ô mon amour, tu n'eus autant de сhагmеs,
Jamais instant ne fut plus terrible et plus doux.
J'aurais voulu donner le reste de ma vie
Ou suspendre le temps pour payer de retour
Un don si merveilleux. Il me venait l'епvіе
De rester dans tes bras pour y mourir d'amour.
Nous sommes retournées à la petite auberge
Où nous avions passé le premier rendez-vous.
Nous n'avons rien mangé. Le destin comme un cierge
Veillait le dernier soir que nous avions à nous.
Tu luttais contre toi, contre notre tendresse.
L'air était tout chargé d'un immense désir
Tu cherchais mon Ьаіsег en craignant ta faiblesse,
Tu me tendais les mains en cachant ton рlаіsіг.
Tu regardas ta montre, méchante bête sourde,
Tu dis : il faut partir et je compris soudain
Que jamais, plus jamais, ma pauvre tête lourde
Ne viendrait reposer sur ton sеіп.
Je n'ai pas fait de cris, je n'ai pas eu de larmes,
Mon esprit était vide et mon cœur était mort.
Stupide et consentante, j'ai rendu les armes,
Vaincue par ton amour plus que par mes remords.
Je te quittais. La nuit se referma sur toi.
Et je suis restée seule dans l'ombre et dans l'oubli.
… Alors sont remontés d'un coup du fond de moi
Tous les sanglots et les regrets et les plaintes de l'infini.
J'ai gémi aux étoiles comme une enfant perdue,
Rompue, brisée, meurtrie d'une invisible chaîne.
J'ai pleuré mon bonheur enfui, cassé, perdu
Dans l'abîme inconnu d'une impossible haine.
J'ai touché le plus creux de la douleur offerte.
Et là, dans l'agonie et le déchirement
De la chair et du cœur, mon âme, découverte,
A su que notre amour, racheté de ma perte
Durerait éternellement.
Alison Emma