A MA MUSE
C'était un soir d'été, je sentais dans mon être
Frissonner doucement des flots harmonieux,
O charmante Erato, n'était-ce point peut-être
Ta voix qui m'enivrait de sons mystérieux?
N'était-ce point ta lyre aux cordes résonnantes,
Qui mêlait dans la plaine, au murmure des vents,
Tes chansons que disaient les brises palpitantes,
Les oiseaux du bosquet, les filles au printemps?
Mais oui, c'était ta voix, ô mon inspiratrice,
Qui vегsаit dans mon coeur l'ivresse d'un Ьаіsег,
La gerbe des рlаіsігs, cette ardeur séductrice,
Qui me faisait chanter, aimer, poétiser.
Muse, je m'en souviens, les fleurs étaient charmantes.
Et de leur beau tapis, les plaines sous l'azur
Réfléchissaient partout des roses éclatantes,
Des sons mélodieux sous le ciel le plus pur.
Dans les bosquets ombreux, cachant tous les mystères,
Sous les arbres touffus, je voyais sans retour,
O blanche vision ! des ombrages sévères,
Ou chantant, ou pleurant, ou riant tour à tour.
Puis alors j'entendais, comme une mélodie,
De mon coeur une voix qui, pleine de douceur,
Me disait bas... tout bas, comme une poésie :
« Suis ce fécond chemin de ta vaillante soeur! »
Muse, moins caressant dans la plaine irisée,
Est pour l'épi doré le souffle du zéphyr,
Moins douce est pour la fleur la goutte déposée,
Moins tendre est pour moi seul le plus doux souvenir !
Muse, si ces instants ne furent point un songe,
Illusion d'enfant, espoir, rêve trompeur,
Si la voix ne fut pas pour mon coeur un mensonge,
Muse, veille sur moi comme une aimable soeur.
Hélas ! est-il bien vrai qu'en ton séjour paisible,
Tu t'appelles : science, amour, religion,
Et que sur cette terre où tout est accessible,
Tu sèmes рlаіsігs, joie et consolation ?
Est-il possible aussi qu'habiles interprètes,
Tes ԁоіgts guident les mains des hommes inspirés,
Car je remarque encor, sous tes cordes secrètes,
Des peintres, des sculpteurs à tes pieds adorés?
Je suis à tes genoux, ô Muse que j'adore ;
Ne brise pas ma lyre en ma trop faible main,
Toi dont le noble front brille jusqu'à l'aurore,
Ne me feras-tu pas l'idole de demain?
De ton divin flambeau guide mes destinées,
Prête-moi tes accents, ton luth harmonieux,
Donne à mon jeune coeur la force des années,
Pour qu'il puisse toujours semer les sons joyeux.
Pour que je puisse enfin, aux luttes de la vie,
Supporter mieux que tous les peines, les tourments ;
Pour que je puisse aussi, dans l'arène fleurie,
Cueillir le vert laurier au jour de mes vingt ans !