Qu'est-ce qui s'était passé au lycée ce matin ? Pourquoi n'avais-je pas eu l'automatisme d'écarter la main de Lucas de ma joue ? Alors que tout le lycée nous regardait ? J'avais été comme tétanisé, congelé, paralysé !! Par une force invisible.
Il faut dire aussi que sa main était incroyablement douce... Et qu'elle avait calmé un peu la douleur... comme si...
« Tu racontes n'importe quoi ! Est-ce que tu t'entends penser ?? On n'est pas au Maine ici dans une histoire à la Stephen King ! Lucas n'est pas le petit être faible extra-terrestre qui est venu sur terre pour nous sauver contre les méchants aliens ! Réveille-toi ! Tu es seulement AMOUREUX de Gaston voilà tout ! Et c'est pour ça que tu as attendu des années pour sortir avec une fille et que tu passais tout ton temps libre avec lui ! Pourquoi es-tu sorti avec Virginie ? Dis-moi ! Dis-toi !! »
La « petite voix » avait-elle raison ? Peut-être... Parce que... Non l'éгесtіоп avait été mécanique ! La surprise ! Le choc !
« Le choc ? Mais de quel choc tu parles ? Une REVELATION oui ! Tu as Ьапԁééé mon petit ! Et c'est ça que Gaston a vu ! Et c'est pour ça qu'il a sourit ! »
- Eh quand bien même ! Je Ьапԁе quand je me réveille ! quand je m'accroche à la barre dans le bus ! quand je prends ma douche ! Je n'ai pas Lucas dans la tête tout le temps !
- Bien sûr que si ! Quand tu étais avec Virginie à qui tu pensais ? Pour qui tu te faisais du souci ?? Tu ne crois pas que tu avais des choses plus importantes à faire à ce moment-là ? Comme embrasser ta copine ?
- C'est interdit au lycée de s'embrasser...
- AHAHAHHH ! Foutaises !!!
Ce genre de monologue entre le Moi et le Surmoi a l'avantage de cesser quand l'un commence à t'agacer... Mais la grande Porte des questions s'ouvre alors, parce que c'était le but de cette « discussion-monologue ». Aussi, comme ma conscience l'avait programmé, une avalanche d'interrogations engloutit soudain mon cerveau liquéfié par l'angoisse... L'hétéгоsехualité et l'hоmоsехualité se définissaient-elles en fonction de notre capacité à avoir un rapport sехuеl abouti ? C'est-à-dire en ayant et en gardant "la ԛuеuе raide" ? Ce qui semblait assez facile à vérifier... mais surtout terrifiant ! Ou par le simple fait d'avoir une attirance même non sехuеllе envers quelqu'un ? Telle était la grande question du moment qui me taraudait... Et d'ailleurs est-ce que j'aimais Virginie comme «j'aimais » Lucas ? On se conaissait depuis si longtemps!
Tout le monde nous apelait "les inséparables" depuis la maternelle. Comment, dans ces conditions, pouvais-je définir le type d'amour nous unissait. L'amour véritable ne se définit-il pas par le malaise ressentit dû à l'absence ? Refoulé, mais réel. Je crois.
Etait-ce par pitié que je pensais à Lucas sans arrêt, lui qui était le soufre-douleur de sa famille et du lycée? Pourquoi me demandais-je systématiquement comment il se sentait lorsqu'on était séparés, s'il n'était pas harcelé.
Ou parce qu'il me manquait ?
Et enfin, ce que j'appelais « pitié » n'était-ce pas plutôt un masque qui recouvrait mes vrais sentiments amoureux pour Gaston ? La « petite voix » avait eu une bonne question : « Pourquoi j'étais sorti avec Virginie ? » Pourquoi maintenant et pas avant ? Peut-être parce que le masque commençait à tomber...
