Antonio Tabucchi, un des plus appréciés et un des plus appréciables écrivains italiens, est décédé dernièrement, au Portugal.
Non content d'avoir écrit en italien des œuvres raffinées et singulières, comme il était amoureux du Portugal et de sa langue (il avait été directeur du centre culturel italien à Lisbonne et il enseignait le portugais à l’Université), il a - aussi - écrit directement en portugais deux ou trois romans ("La Tête perdue de Damasceno Moreno", ...).
De même, il choisit pour son roman "Sostiene Pereira", traduit sous le titre français "Pereira prétend", le cade de la ville de Lisbonne et l'époque de l'affirmation de l'"Estado Novo" (l’État Nouveau, l'État totalitaire et corporatiste de António de Oliveira Salazar) pour dérouler les fils délicats, simples et émouvants d'une narration, conduite sous la forme de courts chapitres, commençant la plupart par "Pereira prétend que", ce qui est une manière de nous faire adopter le point de vue du personnage principal au travers du prisme de sa mémoire et d'un récit qu'il aurait lui-même raconté au narrateur.
Durant cette période fasciste, dans le lourd climat de Lisbonne en été, un homme qui, journaliste, s'occupe de la critique littéraire d'un supplément hebdomadaire, et qui vivote, sans grande implication sociale, sans amour, comme détaché des événements sociaux, et comme rattaché aux seuls événements qui sont son poids excessif, sa sueur, la bonne nourriture dans quelques gargotes amies, aller faire une cure thermale, rencontre un jeune homme qui veut faire du journalisme, un jeune homme sans talent, ou plutôt dont l'échine n'a pas acquis la souplesse nécessaire pour n'avoir pas à subir la censure et son bras auxiliaire - la PIDE, Police Internationale de Défense de l’État, la police politique -, un jeune homme qui semble "engagé" contre l'état des choses.
Je vous vois lever les yeux au ciel : un "roman engagé". Eh bien non !!! Autant "Les chemins de la liberté " de Sartre sont ennuyeux, autant ce court roman est un trésor de sensibilité : voir un homme mûr, installé, désabusé, soudain se réveiller - et ne plus songer sa vie -, grâce aux mots d'Antonio Tabucchi, ÉMEUT ргоfопԁément.
Et le moment du choix se posera de manière très pratique à notre anti-héros, et aura des conséquences pour toute sa vie. Je n'en écrirai pas davantage pour ne pas éventer le parfum de la fin...
---- Ce roman vous laissera un souvenir plus que persistant et ému dans la mémoire !
Vous le trouverez facilement en édition de poche (je crois dans la collection "Points"), traduit de l'italien par Bernard Comment. Pour le prix de quelques euros (c'est un court roman).
Merci, Antonio Tabucchi d'avoir existé !