Je me voyais Messie, je me voyais au portement de croix ;
Je me voyais répandre à tout vent les rudiments de la foi ;
Et je me distinguais, environné d'une foule, aux montagnes
Distribuant les paraboles et la parole diaphane ;
Je me voyais vacillant, titubant et buvant les aigreurs
Avant d'être cloué, et qu'on ne portât vers moi les terreurs
Dans ce ciel évidé où il ne retentit rien que l'alarme
Qui fouette le cœur, et lui fait sonner un cri, comme une arme
Contre cet aЬапԁon, ressenti intensément, tout au fond,
Avant d'être аvаlé, la Ьоuсhе dévalée jusqu'aux tréfonds
Où les êtres enneigés ne portent que des habits faits de poix,
Quand il n'est plus temps, quand il n'y a plus aucun lieu pour un poids.
Mais hélas, cette vie était déjà vécue bien avant moi ;
Et la réitérer, au geste près, ne serait qu'un plagiat.
La vie est un brouillon, mais à la répéter une autre fois,
On n'est plus qu'un acteur, un baladin, qui n'observe la loi
De l'événement n'arrivant qu'une fois et semblable à soi
Seul dans le pointillé des gens venus avec leur seul émoi.