Le général Costa Gomes a répondu aux question de Maria Manuela Cruzeiro, dans le cadre du projet du "Centro de Documentação 25 Avril", destiné à recueillir les témoignages des acteurs de la Révolution portugaise commencée le 25 Avril 1974, qui mit fin à 48 années de fascisme au Portugal.
Jamais, peut-être, un militaire n'a été un militaire aussi peu rempli de révérences envers les autorités de son pays, bien qu'il soit un grand partisan de la discipline militaire qui n'équivaut pas pour lui au mépris des individus : un des plus hauts gradés, un des mieux formés, un des esprits les plus indépendants, durant sept années sur le théâtre des opérations des guerres coloniales que menait l'"Estado Novo", au nom de l'unité du Portugal (les colonies ayant été intégré à la nation comme provinces d'au-delà des mers), le général Costa Gomes n'a jamais cru que l'armée portugaise puisse remporter la guerre contre les guérillas au Mozambique, en Angola, en Guinée-Bissau, encore moins à Goa (en Inde) ou à Macao (en Chine) ou à Timor ; et, loyalement, il l'a toujours déclaré aux autorités fascistes, qui se servaient de lui, en raison de sa haute ехрéгіепсе, irremplaçable, alors que les arrivistes incompétents pullulaient. Se qualité humaines, et de commandement, paradoxalement, l'auront rendu précieux pour ceux don Costa Gomes réprouvaient la ligne politique d'annexion coloniale.
Sa doctrine militaire a toujours été, non pas de mettre à feu et à sang les territoires, mais de gagner la confiance des populations noires, tout en préparant les colonies portugaises à l'autonomie ou à l'indépendance : cette option déclarée, et connue par le dictateur António de Oliveira Salazar, n'empêcha pas sa nomination comme chef-d'état-major, tant - après tout - le fait de servir l’État portugais, malgré tout, malgré le refus de se mêler de politique, d'adhérer au parti unique, de révérer Salazar, importait plus que le reste aux autorités.
Cette position de toujours, en faveur des indépendances, amena le général Costa Gomes à être appelé par le Mouvement des Capitaines, auteur du coup d’État du 25 Avril 1974, à faire partie de la "Junta de Salvação Nacional", car il incarnait une ligne droite, sans ambigüités, aux yeux des jeunes militaires auteurs du putsch, qui avait d'abord pour finalité de mettre un terme aux guerres coloniales..
Bien que ce soit le très réactionnaire général António de Spínola qui ait été le premier président de la République du nouveau Portugal, après la démission de Spínola (celui-ci ayant échoué à établir un régime présidentiel, un régime autocratique, un régime favorable à la stabilisation sociale), le général Costa Gomes assuma la présidence avec un souci constant : lui qui avait vu de près les ravages de la guerre civile en Espagne, lui qui durant son enfance et son adolescence avait entendu le canon tonner à Lisbonne, a toujours voulu épargner au Portugal la guerre civile, et cela ne signifia pas pour autant l'immobilisme social puisqu'il y eut, durant sa présidence, les gouvernements provisoires successifs du général Vasco Gonçalves, auteur de nombreuses conquêtes sociales, réalisées sous la poussée du peuple portugais (de ses classes sociales exploitées, et réduites à la misère de l'émigration ou de l'exploitation par des patrons que l'organisation corporatiste avaient rendus les mаîtгеs absolus et qui supportaient mal qu'une Assemblé Constituante vienne établir un nouveau régime politique).
La lucidité du général Costa Gomes est grande : cet homme sans formation politique, propulsé à la présidence, avait - oui, au passé, car il est décédé en 2001 - la claire conscience que le 25 Avril 1974 n'avait pas échoué, comme nombre de tentatives antérieures, parce que le peuple portugais était intervenu ; il n'a donc jamais cédé à l'illusion d'une histoire écrite par des hommes providentiels, encore moins à l'illusion d'une histoire faite par des coups de main militaires !
Ce livre, en portugais, n'a - comme nombre de livres portugais essentiels - pas été traduit en français, pas plus que celui consacré, selon le même principe, au général Vasco Gonçalves. Ce témoignage recueilli quatre ans avant la mort de Francisco da Costa Gomes éclaire l'histoire du Portugal contemporain comme aucun autre, mais les éditeurs français s'en moquent : quelle ignorance est celle du public non-lusophone, ignorance organisée par les industriels du livre ! Voici la première de couverture :
Vous pouvez l'acquérir en France auprès de la Librairie Portugaise et Brésilienne - Éditions Chandeigne, qui en a des exemplaires (c'est épuisé auprès de l'éditeur "Notícias"), voici le lien :
http://www.librairie-portugaise.com/ShowProduct.aspx?id=2975&title=Costa-Gomes,-o-ultimo-Marechal-----------------------------------------------------------------------
Quelques lectures salubres - tous ces livres étant disponibles chez les éditeurs -, lectures salubres sur le Portugal et sur ce qui est advenu de la Révolution du 25 Avril 1974, sur ses conquêtes, sur ses défaites, et les trahisons qui l'ont amoindries, et les espoirs qu'elle suscite par le chemin qu'elle laisse encore entrevoir :
Sur la chanson qui donna le signal du soulèvement et qui devint et reste l'hymne populaire de toutes les volontés de changements sociaux au Portugal.
Un bilan des décennies d'intégration à l'Union européenne. Ou comment le Portugal est devenu un "pays périphérique", vache à lait des banquiers.
Le livre pour vous y retrouver, dans tous les événements de la Révolution portugaise, pas cher et bilingue.