En ces temps de papauté démissionnaire, la pièce de théâtre "Elle", de Jean Genet, est une lecture salubre et salutaire : quoi de plus étonnant, ridicule, stratosphérique qu'un pape à roulette, оЬséԁé par sa toilette, par les usages, par les fastes.
Quelqu’un attend la venue de "Sa Sainteté", qui se fait désirer, car l'essentiel du personnage réside dans cette attente révérencielle, qui orne sa pauvre réalité d'être humain, certes tarabiscoté, de son сhагmе prenant, sans lequel il n'est rien ; dans l'attente, l'on discute, l'on papote, l'on évoque "Sa Sainteté" avec le chambellan, l'on discute de tout et de rien, des manières à respecter, des us et coutumes ; et quand le pape paraît, point de tintouin, le pape est fait de vent, d'un mirage, d'une pure apparence revêtue de soie reposant sur le vide qu'elle enveloppe doucement.
C'est une pièce que l'on néglige ; allez savoir pourquoi, alors que depuis la démission papale, les "mass média" n'ont de cesse de nous abreuver avec la "lucidité, avec "l'humilité", avec l'esprit d'à-propos du Benoît XVI ? Ah, ce n'est pas avec ces télévisions-là et ces journaux empapaoutés que l'athéisme gagnera du terrain : messe, et après-messe à toutes les heures ; spéculations des "vaticanologues" (comme il y eut et il y a des "kremlinologues") sur le futur grand mitré ; bêlements des curetons, des archevêques, et évêques, en choeur ; salut des grands rabbins, car ce pape aurait visité comme aucun autre toutes les synagogues de ses diverses destinations ; roucoulements des grands muftis (malgré un "discours maladroit" à Ratisbonne) ; les églises autocéphales et orthodoxes en perdent la tête !
Moi, je vous conseille un contre-poison, un antidote, un seul : lisez le théâtre de Jean Genet. Avec "Les paravents", "Les bonnes", "Les nègres", "Elle" est une pièce très estimable et jouissive. Du grand langage. De la tenue. Pour la puissance du verbe incarné, pas besoin de Jésus-Christ, il suffit de Jean Genet.