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Éloge de l'assassinat à la mode d'André Breton - Littérature & poésie

Sujet de discussion : Éloge de l'assassinat à la mode d'André Breton
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 22 mars 2015 à 15:11
    La vie est unique, disent-ils, et de grelotter, d'entrer en tгапses, de s'émerveiller tels des Hubert Reeves se confondant, par les yeux, avec les galaxies s'étendant par milliards au travers des noirceurs de l'infini, à peine argentées des lumières se courbant selon les lois d'Einstein, mon homo sapiens sapiens préféré.


    La vie est sidérante, un miracle, disent-ils, une apparition depuis la soupe primitive, et une ascension giratoire jusqu'à l'espèce homo sapiens sapiens, et chacun de s'ébaubir, ébahi bêta ébauchant un ébahissement lui décrochant la mâchoire inférieure, jusqu'à ce qu'elle s'échappe incidemment dans la soupe du soir.


    La vie est une œuvre, une multiplication d'uniques unicités, aussi il importe - enfin, en notre époque des Lumières rayonnantes et festives - de porter au plus haut point d'incandescence cette vie, la perfectionner, la distinguer, la signaler par l'apparence de son contraire, la mort intempestive et salutaire.


    Prenez le quidam homo sapiens sapiens, qui joue des deux fuseaux dans la rue, le soir, méfiant comme une puce tressautant ; enfilez votre panoplie d'homo sapiens sapiens, celle avec une ріре lâchant des vapeurs dans l'air frais, déambulez, admirez les vitrines, affichez l'air indifférent.


    Et, soudain, les deux pieds bien joints, sautez, altitude, vol plané de la chauve-souris froissant à peine ses ailes, ciel, рlаіsіг des narines, et puis chevauchez et harnachez le quidam, enfoncez à la base où cou et tronc se joignent votre appendice рéпétгапt, suçotez un peu de matière vertébrale, et l'homo sapiens sapiens étant désespérément épuisable, vous sentirez très vite sa mollesse s'effondrant au fond de lui-même, et son corps glissant glissando se froissant défraichi sur le sol.


    Vous n'aurez pas sorti votre revolver, ça fait trop de bruit, et ça alerte, ce claquement sec de tire-bouchon ; non, de la classe, de la componction, de la délicatesse, que les sangs de ces homo sapiens sapiens ne tournent pas au boudin gélifié sous le coup de la frayeur ; époussetez les revers de votre panoplie ; ignorez les appels au secours, ou prévenez les tentatives de vous appréhender, en mettant une cape d'invisibilité.


    Ah, ça fait du bien...


    Vampire Arcane 17.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 22 mars 2015 à 15:18
    "L'acte surréaliste le plus simple consiste,

    revolver au poing, à descendre dans la rue

    et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule."

    André Breton

    In "Second manifeste du surréalisme", 1929.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 22 mars 2015 à 17:55
    La phrase d'André Breton, qui avait une haute conception de la moralité (certes différente de la moralité bourgeoise) lui aura été beaucoup reprochée, comme si elle incitait à la sauvagerie de l'assassinat le plus abject et à l'amoralisme le plus cru.

    En 1929, les attentats d'al-Qaeda et d'autres groupes terroristes n'ensanglantaient pas la planète ; l'intention d'André Breton n'était pas de faire l'apologie du meurtre froid (bien que mon avatar Vampire Arcane 17 puisse tirer de ce coté-là la signification de son écrit).

    Non, c'était poser, d'une manière provocante,

    l'instantanéité et le caractère vital (et donc mortel)

    de l'acte surréaliste, son apparente "gratuité"

    et son caractère logiquement immotivé,

    le fait que l'acte surréaliste est un acte

    dérangeant l'ordre installé et prédominant,

    ordre institutionnel et imaginaire, possédant

    sous son emprise une foule hypnotiquement grégaire

    que rien n'alarmait des indécences et des incidences

    de cet ordre chaotique, tranquillement meurtrier,

    ayant provoqué une guerre mondiale, avec des millions

    de morts, d’éclopés, et de gueules cassées.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 22 mars 2015 à 18:00
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    Un autre acte surréaliste, beau, et étonnant,

    aura été posé par le poète Gherasim Luca,

    quand il aura envoyé, à des adresses

    puisées au hasard dans le bottin,

    des lettres qui semblaient répondre à une autre lettre,

    et, ainsi, poursuivre un dialogue, de fait inexistant ;

    aimable provocation à l'étonnement et, peut-être, à

    l'inquiétude, chez celui ou chez celle qui aura reçu

    les communications véhémentes de Gherasim Luca.
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 22 mars 2015 à 22:24
    Penser à cette phrase d'André Breton prend tout son sens en ce temps où la coalition des États de l'"Occident" mène, depuis l'attentat contre les Twin Towers, une guerre sans fin prévisible, qui aura fait des centaines de milliers de morts, démembré des États, livré des régions aux milices paramilitaires et réduit à la misère la plus abjecte et aux "déplacements" des populations entières : il est entendu - dans le monde chaotique du capitalisme pourrissant - que les assassinats de mаssе des peuples sont des actes "moraux" ou des dégâts involontaires "collatéraux", mais qu'une phrase d'un littérateur scrupuleux, André Breton, est une ignominie.
  • varus Membre confirmé
    varus
    • 24 mars 2015 à 23:54
    Le texte est pas mal foutu ! Et la transition vie-meurtre est jolie. J'aime beaucoup, mais je dois avouer qu'il a été éclipsé pour moi par la beauté de la phrase de Bretons qui vient juste après. Elle m'a semblé d'une si belle évidence... Dommage que certains l'aient compris dans son sens le plus restrictif et tronqué.
    Et le truc du faux dialogue est super mignon .
  • varus Membre confirmé
    varus
    • 12 avril 2015 à 21:15
    Breton*

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