Verlaine, ce poète qui a fini dans l'eau bénite, après avoir tenter de révolvériser Rimbaud et après avoir connu - pour cela - la prison en Belgique, ce tendre, cet amateur des rythmes impairs était un sacré gaillard.
L'édition de ses "Œuvres Complètes", dans la Bibliothèque de la Pléiade, l'avoue ingénument, dans la bibliographie, qui clôt cet ouvrage : "Femmes - Imprimé sous le manteau et ne se vепԁ nulle part - 1891 [...] L'excessive liberté [si, vous avez bien lu, l'excessive liberté (sic)] de ces poèmes, d'ailleurs formellement admirable, ne nous permettant pas de le réimprimer ici, j'en donne la nomenclature" "Hombres (Hommes) - Imprimé sous le manteau et ne se vепԁ nulle part".
Fouineur de librairies, j'ai eu la chance de remettre la main (pour cinq euros) sur une édition italienne, tirée à 2.200 exemplaires, de "Femmes" et de "Hombres".
Honneur aux éditions Canesi de Rome, pour leur louable effort de 1964 !!!
Un long poème, qui passe en revue tous ses аmапts, avec une délicate tendresse ; poème écrit en 1891.
--- Mille e tre.
Mes аmапts n'appartiennent pas aux classes riches :
Ce sont des ouvriers faubouriens ou ruraux,
Leur quinze ou leurs vingt ans sans apprêts sont mal chiche
De force assez brutale et de procédés gros.
Je les goûte en habits de travail, cotte et veste ;
Ils ne sentent pas l'ambre et fleurent de santé
Pure et simple ; leur marche un peu lourde va, preste
Pourtant, car jeune, et grave en l'élasticité ;
Leurs yeux francs et matois crépitent de malice
Cordiale et des mots naïvement rusés
Partent - non sans un gai juron qui les épice -
De leurs Ьоuсhеs bien fraîche aux solides Ьаіsегs ;
Leurs pines vigoureuses et leurs fеssеs joyeuses
Réjouissent la nuit et ma ԛuеuе et mon cu ;
Sous la lampe et le petit jour leurs chairs joyeuses
Ressuscitent mon désir las, jamais vaincu.
Cuisse, âmes, tout mon être pêle-mêle,
Mémoire, pieds, cœur, dos et l'oreille et le nez,
Et la fressure, tout gueule une ritournelle
Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés.
Un chahut, une ritournelle, fol et folle,
Et plutôt divins, qu'infernals, plus infernals
Que divins, à m'y perdre, j'y nage et j'y vole,
Dans leur sueurs et leur haleine, dans ces bals.
Mes deux Charles ; l'un, jeune tigre aux yeux de сhаttе,
Sorte d'enfant de chœur grandissant en soudard ;
L'autre, fier gaillard, bel effronté que n'épate
Que ma pente vertigineuse vers son dard.
Odilon, un gamin, mais monté comme un homme.
Ses pieds aiment les miens épris de ses orteils
Mieux encore, mais pas plus que de son reste en somme
Adorable drûment, mais ses pieds sans pareils !
Caresseurs, satin frais, délicates phalanges
Sous les plantes, autour des chevilles, et sur
La cambrure nerveuse, et ces Ьаіsегs étranges
Si doux, de quatre pieds ayant une âme, sûr !
Antoine, encor proverbial quant à la ԛuеuе,
Lui, mon roi triomphal et mon suprême Dieu,
Taraudant tout mon cœur de sa prunelle bleue,
Et tout mon сul de son épouvantable épieu.
Paul, un athlète blond aux pectoraux superbes,
Poitrine blanche, aux durs boutons suсés ainsi
Que le bon bout ; François souple comme des gerbes,
Ses jambes de danseur, et beau son chibre aussi !
Auguste qui se fait de jour en jour plus mâle
(Il était bien joli quand ça nous arriva !)
Jules, un peu рutаіп avec sa beauté pâle ;
Henri me va qui, las ! en leurs conscrits s'en va ;
Et vous tous, à la file ou confondu en Ьапԁе
Ou seuls, visions si nettes des jours passés,
Passions du présent, futur qui croît et Ьапԁе
Chéris sans nombre qui n'êtes jamais assez.