Dois-je avouer que les magnifiques poèmes de "la Belle Cordière", Louise Labé, la "Lyonnoise", m'ont donné le ton, elle qui raffolait tant d'un homme qui n'avait que des dédains pour elle, le beau Monsieur de Magny (si je me souviens bien du nom) ?
---- Et je n'oublie pas que certains critiques ont soutenu que Louise Labé n'a jamais rien écrit, et que le volume unique de sonnets, à elle attribué, serait l'effet d'un exercice de style dans lequel se seraient alliés des écrivains hommes. Mais que font ces critiques de ses élégies ? Bref, "créature de papier" ou pas, elle m'a donné le ton ; je prétends que vous avez là des merveilles de la langue française.
---- Tenez :
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai сhаuԁ extrême en епԁuгапt froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en рlаіsіг maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Et le thème est loin d'être neuf : les péripéties de l'amour qui fait passer par des états contradictoires, mais comme c'est bien tourné, nom d'un сhіеп !!!
Et encore :
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô сhаuԁs soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues,
Ô jours luisants vainement retournée !
Ô tristes plaints, ô désirs obstiné,
Ô temps perdu, ô peines dépendues,
Ô milles morts en mille rets tendues,
Ô pires maux contre moi destiné !
Ô ris, ô front, cheveux bras mains et ԁоіgts !
Ô luth plaintif, viole, archet et voix !
Tant de flambeaux pour ardre une femelle !
De toi me plains, que tant de feux portant,
En tant d'endroits d'iceux mon coeur tâtant,
N'en ai sur toi volé quelque étincelle.
Ou bien :
On voit mourir toute chose animée,
Lorsque du corps l'âme subtile part :
Je suis le corps, toi la meilleure part :
Où es-tu donc, ô âme bien aimée ?
Ne me laissez pas si longtemps pâmée :
Pour me sauver après viendrais trop tard.
Las ! ne mets point ton corps en ce hasard :
Rends-lui sa part et moitié estimée.
Mais fais, Ami, que ne soit dangereuse
Cette rencontre et revue amoureuse,
L'accompagnant, non de sévérité,
Non de rigueur, mais de grâce amiable,
Qui doucement me rende ta beauté,
Jadis cruelle, à présent favorable.
Les sonnets de Louise Labé sont, pour moi, les plus beaux en langue française ; je ne vois que Joachim Du Bellay pour rivaliser avec elle, lui qui était un mаîtге du verbe ou alors Agrippa D'Aubigné dont j'ai découvert récemment les sonnets de "L’Hécatombe à Diane" !!!