Sujet de discussion : Jean Ferrat ou celui qui chantait Louis Aragon
sergeclimax69007
Membre suprême
9 décembre 2012 à 21:35
Des voix nous manquent.
Elles nous étaient familières.
La mort les a effacées, dans son vide аvаlées.
Pourtant il reste les enregistrements que notre mémoire rend vivants.
Parmi celles-ci, une aura marqué beaucoup d'entre nous : celle de Jean Ferrat.
Une voix chaleureuse, une voix émouvante, une voix d'être humain. Formée grâce à un patient métier sur les scènes, sans ces grotesques farces de "Stars Académie" et autres misères de notre époque.
Et des textes empruntés à un poète qui aura beaucoup trahi de ses origines surréalistes, pour devenir un apparatchik du Parti communiste, et chanter Staline et les pauvretés du "réalisme socialiste" ; cependant des textes qui, malgré ces reniements, ont de la tenue, et résonnent avec noblesse ; Aragon était plus grand que le personnage public, son langage était plus grand que toutes ses compromissions.
Oui, vous êtes bien sur le canal historique de "tongay.com", section "nostalgie", et cette nostalgie n'est pas une tristesse, mais une fidélité.
Je suis partisan de l'enracinement des idées, des idéologies, de ce en quoi l'on croit, de ce pour quoi on lutte.
Je suis partisan de l'histoire en laquelle l'on prend racine.
Et, quand bien même, je sais combien le stalinisme de la direction du Parti communiste français a été un frein contre-révolutionnaire, en France (lors du Front populaire, par l'union avec le Parti radical, représentant du Capital ; lors de l'après-guerre, par le gouvernement tripartite avec le MRP gaulliste et la SFIO, pour "un seul État, une seule armée", contre les milices populaires ; lors des années soixante-dix, par sa politique d'alliance avec le Mouvement des Radicaux de Gauche, parti bourgeois) mais aussi ailleurs (André Marty, grand liquidateur des "trotskystes", pour la Guépéou, en Espagne, en 1936), et le facteur principal de la dégénérescence de la pensée et de l'action socialistes en France - par la place qui était la sienne -, je mets en ligne, oui, les poèmes d'Aragon qui fut un grand poète - envers et malgré sa position inamovible dans l'appareil stalinien, envers et malgré sa conversion au nationalisme français et son utilisation des formes incantatoires propres à la liturgie catholique (cf. "Le Déshonneur des poètes" de Benjamin Péret) - et la voix impaire de ce compagnon de route du PCF qu'était Jean Ferrat.
Et je mets en ligne le dialogue sur l'"engagement" entre Brassens et Ferrat : quand des intellectuels s'interrogent sur leur responsabilité à l'égard de la société, il y a là de quoi s'alimenter en pensées substantielles sur l'art, sur sa fonction, sur le rôle du poète, sur la nécessité vitale de ne pas abaisser la parole poétique.
Et, soit dit entre nous, il ne peut y avoir de neutralité politique en matière culturelle ; c'est pourquoi vous aurez eu droit à cet exorde !
Vous aurez noté, par ailleurs, que Jean Ferrat, qui devait sa survie physique au PCF et à son action durant la seconde Guerre mondiale, a pris ses distances par rapport au stalinisme, même si - comme bien des personnes - il ne prend pas la mesure exacte de ce phénomène qu'est le stalinisme, "gangrène du mouvement ouvrier", et excroissance parasitaire de ce dernier. Cf. sa dernière interview.
Bonne écoute à vous toutes et à vous tous !
La beauté peut enchanter, aussi, tout simplement.
yves.qc
Membre élite
9 décembre 2012 à 23:10
J'adore Jean Ferrat, comme beaucoup d'autres chanteurs français d'ailleurs...Charles Aznavour, Joe Dassin, Serge Regiani, George Brassens et plusieurs autres, pour Jean Ferrat j'ajouterais celle-ci...
C'est en entendant cette pièce dans un café à Montréal il y a plusieurs années, que j'ai craqué pour Jean Ferrat.
sergeclimax69007
Membre suprême
10 décembre 2012 à 00:04
Oh oui, Yves, comme tu as raison ; la voix de Ferrat, si рéпétгапte, toujours tenue à la juste limite de l'émotion exprimée, nous épargnant les fausses grandiloquences et les trémolos de ces accents outrés qui nous signalent à nous, imbéciles auditeurs, comme si nous avions un cœur fermé et une surdité nous rendant impropres à pleurer, là où il nous faut entrer dans un jeu commandé de tristesses convenues -, cette voix de Ferrat, si prenante mais point captieuse, si pure mais point éthérée, si humaine et ne vaguant pas dans le vide des sphères, cette voix a pu et peut encore étonner : prendre, surprendre, saisir, nous emmener sur ses chemins.
Je ne sais pas si tu as remarqué comme écouter Jean Ferrat reconstitue et redonne du courage : c'est toujours le signe d'un homme qui assigne à son art au moins une fonction, celle de tisser un lien entre les hommes.
Ferrat repose avant d'entrer dans le combat de la vie ; il ne détourne pas de cette lutte, qui est politique, amoureuse, esthétique, morale.
Oui : "Aimer à perdre la raison, aimer à n'en savoir que dire (...)"
ericardeche
Membre pionnier
10 décembre 2012 à 17:22
L'ardèche lui a inspiré cette chanson magnifique sur la déprise rurale : la voix de jean ferrat résonne toujours à Antraigue sur volane !!!
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