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José Carlos Ary dos Santos (1937-1984) - Littérature & poésie

Sujet de discussion : José Carlos Ary dos Santos (1937-1984)
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 8 janvier 2014 à 19:47
    Le poète communiste Ary dos Santos fut une voix majeure du Portugal pendant la deuxième moitié du vingtième siècle.


    Il est utile de préciser "communiste", car cela influe sur ses thèmes, sur sa manière, sur le tour oratoire de ses poèmes, sur le rythme de ses textes.


    Il est aussi utile de préciser que ses textes ne se réduisent pas à des "textes d'intervention sociale", et que la poésie avec José Carlos Ary dos Santos a échappé à cette assignation, étroite et déformante, pour prendre des envols vers la beauté.


    Ary dos Santos aura honoré la langue portugaise, que des années de fascisme auront salie et encombrée de mensonges claironnés par tous les moyens de communication.


    Voici de ses poèmes.





    Une traduction de mon crû, en alexandrins.


    Soneto de Mal Amar/ Sonnet de l'amour contrarié


    Invento-te, recordo-te, distorço/Je t'invente en mon souvenir, et je distords
    a tua imagem mal e bem amada/Ton image qui fut mal et bien aimée ;
    sou apenas a forja em que me forço/Je suis à peine la forge où je fais effort
    a fazer das palavras tudo ou nada./Pour faire des paroles un tout ou un rien.


    A palavra desejo incendiada/Je veux que la parole s'anime d'incendie
    lambendo a trave mestra do teu corpo/Et lèсhе la poutre mаîtгеssе de ton corps ;
    a palavra ciúme atormentada/La parole jalousie prise de tourments,
    a provar-me que ainda não estou morto./Pour éprouver que je ne suis pas encor mort.


    E as coisas que eu não disse? Que não digo:/Et ce que je n'ai dit ? Ce que je ne dis pas :
    Meu terraço de ausência, meu castigo/Ma haute terre d'évanouissement, mon châtiment,
    meu pântano de rosas afogadas./Ma terre spongieuse où les roses sont noyées.


    Por ti me reconheço e contradigo/Grâce à toi je me reconnais et contredis,
    chão das palavras mágoa joio e trigo/Terre nourricière des mots deuil, joie et blé
    apenas por ternura levedadas./Qui à peine grâce à la tendresse ont levé.


    Ary dos Santos, in 'O Sangue das Palavras'


    D'autres textes de ce poète, que vous trouverez sur le site "Citador", que je vous recommande quant à la littérature de langue portugaise ou quant aux traductions faites en langue portugaise (ce site offrant des ressources très riches : pensées, maximes, extraits, devinettes, proverbes, d'auteurs contemporains ou plus anciens) :


    http://www.citador.pt/poemas/a/jose-carlos-ary-dos-santos


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    Par ailleurs, José Carlos Ary dos Santos a enregistré le très beau texte du père jésuite António Vieira, "l'empereur de la langue portugaise" (selon Fernando Pessoa), texte qui s'appelle "Sermon de Saint-Antoine aux poissons".


    C'est beau, c'est vigoureux : on entend le souffle palpitant, et l'indignation d'António Vieira contre les еsсlаvagistes du Maranhão (Brésil), еsсlаvagistes qui voulaient bien se rendre à l'église à condition de ne rien entendre de la morale chrétienne qui voudrait que les gros ne s'engraissent pas aux dépens des petits ; à partir de là, autant se détourner d'un tel public, cynique et réfractaire, et prêcher aux poissons, ce que fait António Vieira, pour assener quelques vérités déplaisantes aux puissants.





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    L'Association José Afonso rend, à l'occasion du trentième anniversaire de sa mort, hommage au poète.



    ary-18-jan-2014.jpg


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    Un des fados composés par José Carlos Ary dos Santos, fado chanté par le grand Carlos do Carmo.


  • hforh50new2 Membre occasionnel
    hforh50new2
    • 8 janvier 2014 à 21:00
    Il était gay ?
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 8 janvier 2014 à 22:01
    Il était gay ?

    Pour apprécier un écrivain, il suffit de considérer la cohérence de l'homme : communiste, il éleva une voix - parmi d'autres - contre l'avilissement des mots, contre l'abaissement de la capacité de penser, contre la détérioration de l'être portugais par la dictature fasciste la plus invétérée d'Europe ; poète, il ne confondit pas la propagande, avilissante, appauvrissante, avec le rythme de la poésie, qui peut s'indigner ; homme, il aima, je pense, mais qui, et de quel sехe, je ne sais pas. Je lis qu'il fut surtout solitaire, très solitaire, toute sa vie.


    Pour ceux qui lisent le portugais.


    http://www.fuпdacaoantonioquadros.pt/index.php?option=com_content&task=view&id=66&Itemid=90&limit=1&limitstart=5


    http://ying_yang.blogs.sapo.pt/3572.html



    Je lis que José Carlos Ary dos Santos assumait le plus tranquillement du monde, publiquement, son hоmоsехualité. "Com frontalidade" : "avec franchise".


    Ary dos Santos avait donc bien des défauts pour le régime fasciste portugais, qui dura de 1928 à 1974 : communiste, poète, hоmоsехuеl, courageux.




    Merci de m'avoir fait découvrir cet aspect du poète que j'ignorais : je connais ses fados mais j'ignore tout de sa vie !


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    Vous pouvez acheter les œuvres d'Ary dos Santos aux éditions "Avante !", du Parti communiste portugais.



    Voici le lien vers les deux volumes de ses poésies.



    http://www.editorial-avante.pcp.pt/index.php?page=shop.browse&category_id=12&option=com_virtuemart&Itemid=42



    Je vous indique ce site parce que sur le site de la librairie Bertrand, un des volumes d'Ary dos Santos est donné pour épuisé, alors qu'il ne l'est pas !!!



    Après tout l'éditeur connaît mieux l'état de ses stocks que le meilleur libraire généraliste du Portugal.
  • alison-emma Membre pionnier
    alison-emma
    • 9 janvier 2014 à 18:10
    Pardonnes-moi climax de ne pas pouvoir te suivre sur ce terrain là. Une grande aversion et tu le comprendra certainement pour le communisme demeure en moi.
    Moi qui clame toujours qu'il ne faut pas mélanger les oeuvres avec leurs auteurs me voilà prise à mon propre piège...
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 12 janvier 2014 à 19:54
    Pardonnes-moi climax de ne pas pouvoir te suivre sur ce terrain là. Une grande aversion et tu le comprendra certainement pour le communisme demeure en moi.
    Moi qui clame toujours qu'il ne faut pas mélanger les oeuvres avec leurs auteurs me voilà prise à mon propre piège...

    Je comprends, Alison-Emma, et admets ton aversion envers tout ce qui peut s'intituler "communisme" ; lorsque, comme toi, l'on a connu les différents mouvements puis pouvoirs d’État se réclamant du "communisme", en Angola et au Mozambique, l'on a perdu le goût de distinguer.

    Cependant, je puis t'assurer qu'entre les bonzes, angolais et mozambicains, et le poète José Carlos Ary dos Santos, il n'y a rien de commun.

    Et je puis t'assurer que les trotskystes (dont je suis) persistent à se réclamer du communisme, avec lucidité, conscients d'une histoire qui fit du stalinisme et de ses variantes tropicales des horreurs, et je fais partie de ceux - communistes - qui maintiennent la perspective et le mouvement qui s’opposent au rouleau destructeur du capitalisme.

    Entre les usurpateurs du mot "communisme" et tous ceux qui, communistes comme moi, maintiennent la ligne de la révolution, c'est-à-dire de la libération, individuelle et collective, il y a une ligne de sang passant entre eux.

    Cordialement.

    Mais je conçois que mes explications te laissent sceptique !
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 13 janvier 2014 à 01:57
    Le 17 Janvier 2014, la "Sociedade dos Autores Portugueses" organise une session commémorative, évoquant l’œuvre tant musicale que poétique de José Carlos Ary dos Santos.




    http://www.spautores.pt/comunicacao/agenda-сultural/sessao-evocativa-dos-30-anos-da-morte-de-jose-carlos-ary-dos-santos



    ary-dos-santos.jpg?1389373378
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 19 janvier 2014 à 23:18
    Je suis content, hier la RTP avait à son journal de huit heures et de minuit des reportages rappelant le trentième anniversaire de la mort de José Carlos Ary dos Santos.


    Le maire - socialiste - de Lisbonne, en cette année qui voit aussi le quarantième anniversaire de la Révolution du 25 Avril 1974, précisait que, tout au long de 2014, la figure majeure de la poésie portugaise que fut Ary dos Santos recevra des hommages, entre autres d'un de ses compagnons de poésie qui aura mis en musique une centaine de textes en rapport avec la ville de Lisbonne.


    La RTP a cru bon de rappeler que quatre compositions d'Ary dos Santos auront remporté le prix de l'Eurovision (est-ce un gage d'excellence dans l'absolu, j'en doute).
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 19 janvier 2014 à 23:25
    Je vous traduis un autre texte de José Carlos Ary dos Santos.


    O Poema Original/Le poème Original


    Original é o poeta/Original est le poète
    que se origina a si mesmo/qui donne origine à soi-même,
    que numa sílaba é seta/qui dans une syllabe est flèche,
    noutra pasmo ou cataclismo/Cataclysme, évanouissement,
    o que se atira ao poema/qui se précipité au poème
    como se fosse ao abismo/comme s'il se donnait à l'abîme
    e faz um filho às palavras/et qui fait un enfant aux mots
    na cama do romantismo./sur la couche du romantisme.
    Original é o poeta/Original est le poète
    capaz de escrever em sismo./qui peut comme un séisme écrire.


    Original é o poeta/Original est le poète
    de origem clara e comum/dont l'origine est ordinaire,
    que sendo de toda a parte/et qui, en étant de partout,
    não é de lugar algum./n’appartient à aucun des lieux ;
    O que gera a própria arte/qui crée un art particulier,
    na força de ser só um/dans la puissance d'être un seul
    por todos a quem a sorte/pour tous ceux que le sort jeté
    faz devorar em jejum./fait se dévorer en jeûnant.
    Original é o poeta/Original est le poète
    que de todos for só um./Qui parmi tous se trouve unique.


    Original é o poeta/original est le poète
    expulso do paraíso/Dans l'expulsion du Paradis
    por saber compreender/parce qu'il sait bien entendre
    o que é o choro e o riso;/ce que c'est que pleurer et rire ;
    aquele que desce à rua/celui qui descend dans la rue,
    bebe copos, quebra nozes/boit des verres, casses des nois
    e ferra em quem tem juízo/Et marque le bien-avisé
    versos brancos e ferozes./Par ses vers sauvages et cruels.
    Original é o poeta/Original est le poète
    que é gato de sete vozes./qui est un chat ayant sept voix.


    Original é o poeta/Original est le poète
    que chega ao despudor/qui parvient à ce dénuement
    de escrever todos os dias/qui est d'écrire chaque jour
    como se fizesse amor./tout comme s'il faisait l'amour.


    Esse que despe a poesia/Qui ԁéпuԁе la poésie
    como se fosse mulher/comme si elle était une femme,
    e nela emprenha a alegria/la fertilisant de la joie
    de ser um homem qualquer./d'être un homme sans qualités.


    Ary dos Santos, in 'Resumo'
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 20 janvier 2014 à 00:04
    Ce qui m'a touché, et ce que vous pourrez constater par vous-m^me, en écoutant l'interprétation que fait Ary dos Santos du "Sermon aux poissons", est l'accent mis par les journalistes sur la capacité oratoire du poète, sur sa capacité de capter par la puissance et les inflexions de sa voix bien des publics.


    José Carlos Ary dos Santos, en un temps, lors de la fin de la dictature corporatiste et lors du "Processus Révolutionnaire en Cours" après Avril 1974, où le discours se donnait un large cours, en déployant ses grandes qualités d'orateur communiste, rejoignait - ainsi - les sources de la poésie, qui est d'abord une mélodie, un ensemble de sons captieux et capiteux, avant d'être et de soutenir le sens, les métaphores, ce qui demande de la compréhension.


    Oui, la poésie est d'abord le chant des sirènes, où l'on vient s'abîmer corps et biens, sans réserves !

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