Sujet de discussion : Kostas Axelos, un penseur du non-systématique
sergeclimax69007
Membre suprême
2 octobre 2013 à 22:16
Kostas Axelos, à l'écart des modes qui agitent le petit monde des penseurs à la va-vite, aura participé - jeune - à la résistance grecque antinazie puis à la guerre civile opposant les monarchistes et réactionnaires, soutenus par les bombardements britanniques sur Athènes, aux partisans de l'ELAM (lâchés par la bureaucratie stalinienne, en vertu du partage du monde, signé avec Churchill et Roosevelt, à Yalta et Potsdam).
Il aura émigré en France, sur le même bateau que Cornelius Castoriadis et Kostas Papaïoannou, rompu avec le stalinisme, et entamé, notamment en créant la revue puis la collection "Arguments", un travail de fond pour favoriser le travail de la pensée. Et pour penser, pas à pas, sans échapper à la question des faiblesses de la pensée. Que de livres majeurs publiés, aux éditions de Minuit, dans la collection "Arguments", par la persistance de Kostas Axelos !!!
La pensée, pour lui, ne pouvait que dialoguer, s'enrichir, et se nourrir, tout en ne leur dédiant aucun culte admiratif, avec Héraclite ("la première saisie de l'être en devenir de la totalité") et Marx ("penseur de la technique"), notamment, mais aussi avec Heidegger - malgré la petitesse de l'homme Heidegger -, avec Nietszsche, avec Hegel (qui marque l'achèvement de la philosophie, achèvement "qui peut durer et perdurer").
Plus interrogateur, plus démolisseur de certitudes que concepteur d'un système - où douillettement s'impose l'impensé comme angle mort -, plus hautain avec сhаlеuг que faussement conciliateur et propagateur de médicaments anxiolytiques, plus émetteur de fragments que d'écrits accomplis se posant comme des monolithes, Kostas Axelos aura écrit des œuvres peu jargonnantes, ce qui ne signifie pas invertébrées car une pensée à l’œuvre - pour non systématique qu'elle soit - peut et doit utiliser un langage qui lui est propre, et qui a ses concepts.
Doit-on et peut-on attribuer à Kostas Axelos une grande qualité qui est celle de ne jamais conclure, d'ouvrir en chaque lecteur un espace d'interrogation en lui offrant le doute, en marquant combien la pensée ordinaire est faites de manques à penser, et de paresses à penser ?
Une nécrologie, qui dépasse le sempiternel bavardage des grands médias (grands surtout par leur appétit à se partager des parts de marché !!!), par "Influences, l'agence de presse des idées", avec une bonne indication des périodes de la vie du philosophe et une bibliographie :
Pour saluer ce (méta)philosophe, l’École Française d'Athènes a organisé un colloque les 21 et 22 Septembre 2012.
En voici le lien.
Pour Kostas Axelos, il n'y a pas de "mаîtге mot", c'est dire que tout absolu pour lui est toujours une assomption d'un mensonge, au mieux d'une illusion, au bas mot d'une confusion.
Et, dans le temps du déploiement de l'errance, c'est-à-dire de l'incertitude dont il nous appartient de nous accommoder et de tirer parti, par et dans le "jeu", ni détaché ni empreint de gravité - le "jeu" qui est davantage l'accord désaccordé grinçant avec le mouvement du monde, le "jeu" comme l'on dit d'une pièce dans un ensemble qu'elle a du jeu -, peut-être nous viendra-t-il, sous la clarté de la constellation où Héraclite diffuse une lumière majeure, des pensées à propos du Monde qui est (il existe) et n'est pas (il n'est pas une substance, ni une essence), que nous ne pouvons pas réduire à une totalité effective, mais qui est l'horizon des horizons toujours fuyant.
Je vous souhaite la constance de l'écoute !!! Et que vous déраssiez les apparences abstruses des interventions de ce colloque, pour vous livrer aux stimulations d'une pensée éclairante et peu accommodante avec les vérités légère et faussaires de l'air du temps.
Kostas Axelos aura écrit une vingtaine d'ouvrages en français, en allemand et en grec : je vois sur le site d'une librairie qu'il y en a au moins huit qui sont disponibles chez l'éditeur.
Voici son dernier ouvrage, publié après sa mort intervenue en 2010, dans la collection (il me semble que ce n'est, après avoir été une maison d'édition, plus qu'une collection des éditions Les Belles Lettres) "Encre Marine" :
Un des ouvrages de Kostas Axelos, de 2001, "Ce questionnement" :
Pour désintéressé que soit le рlаіsіг de vous faire part d'un de mes grands рlаіsігs - avoir trouvé de l'intérêt à lire Kostas Axelos, et à me laisser "bousсuler" (on ne l'est jamais assez quant à l'exercice de la pensée) par lui -, si vous-même avez lu Axelos, si vous vous y êtes arrêté, et lui avez accordé plus que la place de deux ou trois livres dans votre bibliothèque, que vous me et nous disiez les motifs de votre attachement à ce (méta)philosophe pourrait signaler que ce sujet ne tombe pas comme une pierre sans écho dans un puits sans fond.
ben_dewitt
Membre pionnier
2 octobre 2013 à 23:36
Intéressant ! D''autant que je connaissais pas du tout le bonhomme. En philosophie du langage, je n'ai lu que Wittgenstein (j'ai adoré), donc il faudrait que je consulte de plus près les ouvrages d'Axelos !
sergeclimax69007
Membre suprême
2 octobre 2013 à 23:52
Wittgenstein a un côté "explorateur", découvreur, risque-tout qui séduit, sans faux brillant.
Wittgenstein tente par des propositions qu'il émet des ехрéгіепсеs au travers du langage, des ехрéгіепсеs au sens fort (il invente même des situations très fictives qu'il prend pour données momentanément pour imaginer les tenants et aboutissants d'une situation).
Et les mots ne sont pas dépourvus de sens, mais chacun les entend à sa manière, et il n'est pas du tout sûr (c'est quand même la thèse récurrente de Wittgenstein) que nous possédions un usage commun du langage qui nous préserve des malentendus ou même un langage commun qui s'imposerait à tous, au point de rendre perceptible aux autres ce que nous entendons dire, et voudrions dire, et ne parvenons pas à faire entendre et comprendre.
Wittgenstein, par la mise en doute du caractère faussement transparent d'un langage communément partagé, véhiculant sans opacité nos sentiments et nos réflexions, est un grand déstabilisateur.
Et, malgré une sécheresse, sans doute due à son attachement aux démonstrations logiques de sa première phase, ce qui le rend peu "accrocheur" d'un point de vue émotionnel, il a donc en commun, avec Kostas Axelos, la poursuite d'une œuvre plus interrogative que systématique, et volontairement marquée par les zones d'ombres inhérentes à toute pensée, qui ne pourra, honnêtement, jamais mettre un point final, à moins de succomber aux сhагmеs de la fausse totalité, comme de dire "Dieu", et croire qu'ainsi a été énoncé l'ultime, dernier, et premier fondement du Tout, alors que le Tout, ne se laissant pas circonscrire, ni réduire à un ensemble fermé, est ouvert, sans fond, et sans fondement, sans origine ni fin assignables.
Néanmoins, dans la négation de toutes les fausse totalités (fermées, établies, circonscrites), dans la négation de toutes les assomptions de valeurs (comme la "vérité", alors que nous ne rencontrons, sur nos chemins, que des vérités partielles, transitoires par nature, non édifiantes), dans le non systématique, Kostas Axelos me paraît être plus rigoureux.
--- Le plus intéressant de Wittgenstein est qu'il construit des cas hypothétiques, en émet les conséquences, et à partir de ces réflexions, se met en position de réfléchir sur le reste qu'il n'atteindra qu'en second.
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