Mon doux que je n'ai jamais rencontré et que je n'ai pas su reconnaître,
Nos deux corps vacillaient, à l'extrême de leurs pulsations aux ргоfопԁеurs de la moelle ; ils habitaient, dans une ignorance mutuelle, un espace commun, le monde de référence, et ne s'avisaient pas de leurs épaisseurs humaines respectives ; nous dansions au bord du rien, il eût suffi d'une chiquenaude pour nous expédier à ces limbes où - paraît-il - il vagit des lucioles de désir.
A l'infini, les lignes droites se rencontrent, cependant notre stricte géométrie défiaient ces vertus éminentes de la courbure des droites, et nous filions comme des aveugles, meuglant de l'amour avec des casques sur les oreilles pour mieux beugler à tue-tête les lancinantes approches du désir innommé.
Nous avons erré des temps, des siècles, et en dehors de tous les espaces-temps ; jamais, au grand jamais nous n'unirons nos langues dans la torsion de nos soupirs ; jamais, au grand jamais, nous ne rencontrerons notre frère, notre pareil très dissemblable, celui qui chaque matin, à l'aurore de la lumière, nous hèle depuis l'arrière du miroir, dessous le tain.
Nous avons des faces qui nous demeurent inconnues, car les caresses ne nous sont que des aumônes ici et là grappillées au gré de la pitié de ceux qui font profession d'aimer : êtres détestables, confits en leur doucereuse et dangereuse mollesse de cœur. L'amour faux est leur métier.
Les vrais аmапts, après le temps, quand ils se trouvent, se disent adieu : c'est plus sûr, tant l'arête de l'amour est vive, tant le silex du sourire passe au ras des lèvres et les découpent comme pièces de boucherie ; les vrais аmапts sont en suspens, ils ne savent où, ils se dévisagent, leurs substances s'enlacent, ils dilacèrent leur confort mortifère pour gagner de ces battements de cœur vivants, enfin vivants.
Mon doux, mon tendre, mon cœur, tu es mon audace familière et le cosmos - en ta compagnie - n'a plus qu'à se replier sur lui-même, tant est grand ce que nous embrassons ; les mondes ne pourront pas nous contenir ; pauvreté que ces rotations de planètes autour des soleils, tu es ma verdeur majeure pétrie de scintillements, tu es ma Voie Lactée, et plus encore, tu ma Supernova, et mon nuage galactique, tu es ce que j'ignore et qui ne m'effraie pas, ma tendresse, ma blessure, mon avènement enfin advenu en moi de ce que je suis, ma révélation, ma traîtrise, mon rire du soir quand les nuits rallongent, perdurent, et mangent la surface de la Terre.
Mon doux, mon tendre, mon féroce amour, mon coup au cœur, je te fais de ces suçons qui ne te laissent pas de repos, je t'aspire en moi, je te porte en moi : enfin, te voici !
Climax.