Sujet de discussion : La Chanson de l'Entier Néant
sergeclimax69007
Membre suprême
31 octobre 2012 à 20:20
Guillaume IX, duc d'Aquitaine, est un des premiers tгоubadours. Il nous a laissé une œuvre avec de troublantes images éгоtіԛuеs, des vers sur son adieu au "monde" assez émouvants et ce poème-là, "Vers du dreit nient", où il s'applique à ne parler de presque rien tout en persistant à dire.
En voici le texte occitan & la traduction française de mon crû.
Farai un vers de dreit nien - Je ferai un poème à propos de rien Non er de mi ni d'autra gen - Ni à mon sujet, ni sur d'autres gens ; Non er d'amor ni de joven - Il ne sera pas d'amour ni de jeunesse, Ni de ren au - Ni d'aucune autre chose, Qu'enans fo trobatz en durmen - Et même il a été composé en dormant Sus un chivau - Sur un cheval.
No sai en qual hora.m fui natz - Je ne sais pas à quel moment je suis né, No soi alegres ni iratz - Si je suis heureux ou courroucé ; No soi estranhs ni soi privatz - Ni si je suis étranger ou familier. Ni no.n puesc au - Il ne peut en être autrement Qu'enaisi fui de nueitz fadatz - Car de nuit j'ai été ensorcelé Sobr'un pueg au - Sur la hauteur d'une montagne.
No sai cora.m fui endormitz - Je ne sais pas comment je me suis endormi, Ni cora.m veill s'om no m'o ditz - Ou encore si je veille (si on ne me le dit) ; Per pauc no m'es lo cor partitz - Mon cœur est presque déchiré D'un dol corau - Par une douleur cordiale ; E no m'o pretz una fromitz - Et cela ne vaut pas une fourmi Per saint Marsau - Par Saint-Martial.
Malautz soi e cre mi morir - Je suis malade et je crois que me meurs ; E re no sai mas quan n'aug dir- Et rien d'autre je ne sais d'en entendre parler ; Metge querrai al mieu albir - Je chercherai un médecin qui soit à ma guise E no.m sai tau - Et je n'en connais aucun qui soit ainsi. Bos metges er si.m pot guerir - Il sera bon médecin s'il peut me guérir Mas non si amau - Mais il n'y en a pas de tels.
Amigu'ai ieu non sai qui s'es - J'ai une amie mais je ne sais qui elle est C'anc no la vi si m'aiut fes - Car jamais je n'ai l'ai vue (Dieu ait ma foi !) ; Ni.m fes que.m plassa ni que.m pes - Elle ne fit rien de plaisant ou déplaisant, Ni no m'en cau - Et ceci m'importe peu, C'anc non ac Norman ni Franses - Dés lors que je n'ai Normands ou Français Dins mon ostau - A héberger.
Anc non la vi et am la fort - Jamais je ne l'ai vue et je l'aime fortement ; Anc no n’aic dreit ni no.m fes tort -Jamais elle ne m'a rendu justice ou fait tort Quan no la vei be m'en deport - Quand je ne la vois je m'en réjouis, No.m prez un jau - Je ne la prise pas plus qu'un coq, Qu'ie.n sai gensor e belazor - Car j'en sais un très noble et très beau, E que mais vau - Et qui mieux qu'elle vaut.
No sai lo luec on s’esta - Je ne sais le lieu où je me trouve ; Si es m pueg ho es en pla - Si c'est en montagne ou bien en plaine ; Non aus dire lo tort que m’a - Je ne m'avance à dire le tort qu'envers moi Albans m’en cau - Alban a, dont il m'importe E peza.m be quar sai rem a - Et dont il me pèse car je sais qu'il n'y a rien Per aitan vau - Qui par sa valeur vaille autant.
Fait ai lo vers no sai de cui - J'ai fait le poème sur je ne sais quoi, Et trametrai lo a celui - Et je le tгапsmettrai à celui Que lo.m trameta per autrui - Qui me le tгапsmettra par un autre, Enves Peitau - Aux environs de Poitiers, Que.m tramezes del sieu estui - Pour qu'il me tгапsmette en son étui La contraclau - Le signe inverse.