Sujet de discussion : La présidente du Brésil parle de la torture
sergeclimax69007
Membre suprême
18 mai 2013 à 22:25
Je l'ai déjà mis en ligne (il y a une ou deux années, et peu importe), mais j'y reviens ; car cela m'émeut, et de plus me permet de garder de la considération pour une femme qui est en train de trahir le programme de fondation du Parti des Travailleurs brésilien par une politique que matérialise la coalition gouvernementale formée avec des partis bourgeois : privatisations, réforme agraire au niveau zéro, attaque contre la Fonction publique, etc.
Ce film, oh d'une facture très banale, qui est un enregistrement de débats parlementaires, parle de la torture, ouvertement, publiquement ; de la souffrance humaine ; du devoir de mentir face aux bourreaux ; et de l'orgueil immense d'avoir sauvé des vies par le mensonge. La vérité n'est pas, comme certains moralistes imbus d'une morale éternelle et atemporelle voudraient nous le faire accroire, un impératif catégorique, valant partout, pour tout, et en tout.
Dilma Rousseff, présidente brésilienne, opposante armée au régime militaire qui - depuis 1964 jusqu'à la démocratisation - a terrorisé le Brésil par un ordre constitutionnel d'exception permanente (interdisant les partis politiques, suspendant les mandats électifs, pourchassant les syndicats indépendant de travailleurs) et par des disparitions organisées, fut emprisonnée quand elle avait 19 ans, et torturée, d'une manière barbare.
Ici, répondant à un sénateur de la droite parlemantaire qui, s'appuyant sur sa biographie où elle déclare avoir beaucoup menti en prison sous la torture, affirme que le gouvernement de Lula da Silva emprunte les méthodes des gouvernements militaires pour créer un État d'exception policier et qu'elle est en train de mentir sur une affaire qui préoccupe tout le Brésil comme elle a menti sous la torture (ce dont elle s'enorgueillit, qui plus est), Dilma Rousseff, future présidente du Brésil (nous sommes alors en 2008) fait des considérations préalables et elle explique ce que c'est que vérité et mensonge, quand le mensonge est de règle et s'impose afin de sauver des vies.
"Je n'avais aucune sorte d'obligation contractée avec la dictature de lui dire la vérité" déclare Dilma Rousseff.
C'est exemplaire. Je vous traduis plus bas le texte portugais. C'est un grand moment de politique, comme j'en connais peu.
Et si je l'ai mis en politique, ce sujet, et ici, sur "tongay.com", c'est aussi parce que les gays et les lesbiennes, dans leur histoire, ont eu à subir les persécutions policières, les dénonciations, la mise au ban de la société (pensons au procès et à l'emprisonnement d'Oscar Wilde, le dramaturge le plus connu et le plus célébré de son époque en Grande-Bretagne), les bûchers moyenâgeux pour "crimes contre la nature", les chasses dégradantes contre ce crime social qu’a été et demeure en nombre de pays l'hоmоsехualité, la déportation avec le triangle rose et parce qu'ils et elles subissent, dans bien des pays, la peine de mort ou des peines de prison, en plus du discrédit social.
La réponse de Dilma Rousseff commence à trois minutes et 28 secondes.
Qualquer comparação entre a ditadura militar e a democracia brasileira, só pode partir de quem não dá valor à democracia brasileira. Eu tinha 19 anos, fiquei três anos na cadeia e fui barbaramente torturada, senador. E qualquer pessoa que ousar dizer a verdade para os seus interrogadores, compromete a vida dos seus iguais e entrega pessoas para serem mortas.
"[Avant de répondre à votre question, sénateur, je désire faire quelques considérations préliminaires]. Quelque comparaison que ce soit entre la dictature militaire et la démocratie brésilienne peut seulement venir de quelqu'un qui n'accorde pas de valeur à la démocratie brésilienne. J'avais 19 ans, je suis restée trois années emprisonnée et j'ai été torturée d'une manière barbare, sénateur. Et n'importe quelle personne qui ose dire la vérité à ceux qui mènent son interrogatoire met en danger la vie de ses égaux en humanité et elle livre des personnes pour que celles-ci soient assassinées."
Eu me orgulho muito de ter mentido senador, porque mentir na tortura não é fácil. Agora, na democracia se fala a verdade, diante da tortura, quem tem coragem, dignidade, fala mentira. E isso (aplausos) e isso, senador, faz parte e integra a minha biografia, que eu tenho imenso orgulho, e eu não estou falando de heróis. Feliz do povo que não tem heróis desse tipo, senador, porque agüentar a tortura é algo dificílimo, porque todos nós somos muito frágeis, todos nós.
"Je n'enorgueillis beaucoup d'avoir menti, sénateur, parce que mentir sous la torture n'est pas aisée. Maintenant, en démocratie, l'on dit la vérité, devant la torture, celui qui a du courage, de la dignité, dit des mensonges. Et ceci (applaudissements), et ceci, sénateur, fait partie du cours de ma vie, en est une partie intégrante, dont je retire un orgueil immense, et je ne suis pas en train de parler de héros. Bienheureux est le peuple qui n'a pas de héros de ce type, sénateur, parce qu'affronter la torture est quelque chose de très difficile, parce que nous sommes tous très fragiles, tous autant que nous sommes."
Nós somos humanos, temos dor, e a sedução, a tentação de falar o que ocorreu e dizer a verdade é muito grande senador, a dor é insuportável, o senhor não imagina quanto é insuportável. Então, eu me orgulho de ter mentido, eu me orgulho imensamente de ter mentido, porque eu salvei companheiros, da mesma tortura e da morte. Não tenho nenhum compromisso com a ditadura em termos de dizer a verdade.
"Nous sommes des êtres humains, nous avons mal et la tendance séduisante, la tentation de dire ce qui s'est passé et de dire le vérité est très grande, sénateur, la douleur est insupportable, vous ne pouvez pas imaginer combien c'est insupportable. De ce fait, je m’enorgueillis beaucoup d'avoir menti, oui je m'enorgueillis immensément d'avoir menti, parce que j'ai épargné à des camarades cette torture et parce que je les ai sauvés de la mort. Je n'avais contracté aucune obligation avec la dictature de dire la vérité."
Eu estava num campo e eles estavam noutro e o que estava em questão era a minha vida e a de meus companheiros. E esse país, que transitou por tudo isso que transitou, que construiu a democracia, que permite que hoje eu esteja aqui, que permite que eu fale com os senhores, não tem a menor similaridade, esse diálogo aqui é o diálogo democrático. A oposição pode me fazer perguntas, eu vou poder responder, nós estamos em igualdade de condições humanas, materiais. Nós não estamos num diálogo entre o meu pescoço e a forca, senador.
"J'étais dans un camp, et ils étaient dans un autre, et ce qui était en jeu était ma vie et celle de mes camarades. Et ce pays, qui est passé par tout ce qui s'est passé, qui a construit la démocratie, qui permet qu'aujourd'hui je sois ici, qui permet que je parle avec vous, messieurs et mesdames, n'a pas la moindre ressemblance avec ce qui a été, ici nous avons un dialogue démocratique. L'opposition peut me poser des questions, et moi je vais pouvoir répondre, nous sommes égaux du point de vue de nos conditions humaines. Nous ne sommes pas, ici, dans un dialogue entre ma gorge [que l'on étrangle] et la force brutale, sénateur."
Eu estou aqui num diálogo democrático, civilizado, e por isso eu acredito e respeito esse momento. Por isso, todas a vezes...eu já vim aqui nessa comissão antes. Então, eu começo a minha fala dizendo isso, porque isso é o resgate desse processo que ocorreu no Brasil. Vou repetir mais uma vez: Não há espaço para a verdade, e é isso que mata na ditadura. O que mata na ditadura é que não há espaço para a verdade porque não há espaço para a vida, senador. Porque algumas verdades, até as mais banais, podem conduzir a morte. É só errarem a mão no seu interrogatório.
"Ici, je me trouve impliquée dans un dialogue démocratique, civilisé, et c'est pourquoi je lui accorde de la valeur, c'est pourquoi je respecte cet instant. Pour cela, toutes les fois... je suis déjà venue devant cette commission auparavant. Alors, je commence ma déclaration en disant ceci, parce que ceci est la préservation du processus qui s'est déroulé au Brésil. Je vais le répéter encore une fois. Il n'y a pas de place pour la vérité, et c'est cela qui tue sous la dictature. Ce qui tue sous la dictature est qu'il n'y a pas de place pour la vérité, parce qu'il n'y a pas de place pour la vie. Parce que certaines vérités, et jusqu'aux plus ordinaires, peuvent conduire à la mort. Il suffit de se tromper d'un millimètre au cours de son interrogatoire."
E eu acredito, senador, que nós estávamos em momentos diversos da nossa vida em 70. Eu asseguго pro senhor, eu tinha entre 19 e 21 anos e, de fato, eu combati a ditadura militar, e disso eu tenho imenso orgulho.
"Et je crois, sénateur, qu'alors nous nous trouvions tous les deux dans des circonstances bien différentes au cours de nos vies, au cours de ces années 1970. Je vous promets, j’avais entre 19 et 21 ans, et effectivement j'ai combattu la dictature militaire, et de ce fait je retire un orgueil immense."
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