LA SOURCE
Je sais une claire fontaine,
Plus pure que le fin cristal,
Très souriante, qui promène
Un filet d'eau loin dans le val.
L'hiver, lorsque le froid s'agite,
A sa tristesse il met des pleurs.
Mais au printemps elle s'abrite
Sous une coupole de fleurs.
En mai, lorsque le coeur s'épanche,
Bien des oiseaux s'y vont poser :
On entend fuir de quelque branche
Le frais murmure d'un Ьаіsег...
Le prompt chevreuil s'y désaltère
Craintif, tremblant, l'oreille au guet;
Le lézard y vit solitaire
Sous une touffe de muguet.
Et j’ai dit : Quelle main de fée
L'entoure ainsi de soins touchants,
Lui prodigue un si doux trophée
De fleurs, de verdure et de chants?
El là, dans un ргоfопԁ mystère,
Quel culte peut-on célébrer?
Quelle âme errante sur la terre
Accourt enfin s'évaporer! »
Fontaine, en un recoin perdue.
Que le hasard me fit trouver,
Une puissance est descendue
Dans mon âme et me fit rêver.
Douce surprise qui dépasse
Ce qu'en songe un être a connu,
Bientôt je découvris la trace,
La fine empreinte d'un pied пu.
C'était quand le matin s'allume,
Que tout frémit sous un rayon,
Que la fleur s'entr'ouvre et parfume
Et que l'oiseau chante au sillon ;
Que tout chatoie et tout caresse,
Que tout a des enivrements
Et que la vie et la jeunesse
Jettent des éblouissements :
Furtivement, presque farouche,
Je vis une vіегgе accourir,
Bientôt un sourire à sa Ьоuсhе,
Rose du coeur, s'en vint fleurir;
Tout la saluait au passage
Et la fêtait à l'unisson :
L'insecte ailé hors du feuillage,
Le rossignol dans le buisson ;
Les illusions, son cortège,
Dans l'herbe et les fleurs du chemin,
Fantômes aux blancheurs de neige,
Riaient et se donnaient la main.
Cheveux flottants et gorge пuе,
Comme en un suprême aЬапԁon,
Avec art et sans retenue
Mais pleine d'un céleste don.
A la belle source qui brille,
Où le rayon put l'attirer,
Elle vint, poétique fille,
Tout bonnement pour s'admirer...
Oh ! que de ravissantes choses
Lui disait son simple miroir !
Printemps! Printemps ! c'est sous des roses
Que si belle je pus la voir!
— Si vous rencontrez ma déesse
Dans l'idéal qui сhагmе encor,
Souriez-lui, c'est la jeunesse
Qui disparut dans un flot d'or.