L’amour prend du temps, tant mieux, c’est délicieux, enivrant, palpitant. Un moment subjuguant qui nous triture les boyaux de l’intérieur de façon si particulière que même un Dom Ruinart ne pourrait nous l’offrir.
Oui, cela semble incroyable, c’est pourtant vrai.
Moi-même je fus très sceptique, il me fallait pourtant bien l’accepter.
Prendre le risque de s’engager. Prendre un risque dont la rentabilité reste suffisante. La question d’un investissement ne se pose plus. Après, il en va s’en dire que chacun a sa méthode pour y parvenir. Seulement si l’amour se savoure, il peut arriver que le vin ait tourné au vinaigre.
*
La musique without you de David Guetta m’extirpe de mon sommeil. Ma tête me lance. Où est donc ce foutu téléphone ? D’un geste maladroit mais précis je retrouve cet engin diabolique qui me rappelle la dure réalité de la vie.
Cela fait quelques temps que je me suis installée sur Montpellier. Histoire de trouver un boulot et surtout de changer d’air. La vie parisienne bien qu’elle ne me déplaise, manquait cruellement de soleil. Quoi de mieux que la côte pour entretenir le hâle et la petite flamme de l’amour ?!
Assise sur le bord de mon lit, je me remémore notre soirée. Mes vêtements, jetés sur le dossier de ma chaise, attestent du fiasco de la veille.
Oui, hier soir j’espérais retrouver ce feu de la passion. Accompagnée par un charmant jeune homme, j’éсumais les bars à vins, feintant la fine connaisseuse.
- Alors qu’en penses-tu ?
- J’adore le cadre ! Et ce vin a une Ьоuсhе très dense. J’aime beaucoup cet arrière-gout de réglisse même s’il est un peu fort. Dis-je d’un air minaudé.
Je n’allais tout de même pas lui dire « qu’il arrache » et que je me serais bien contentée d’une bonne Blanche…
- Tu vois, je suis un excellent guide. J’ai une bonne intuition en matière de femme et de vin. M’a-t-il dit avec toute sa malice.
Et moi idiote, j’acquiesçais avec mon sourire niais… Je me connaissais pourtant plus mutine. A croire que l’alcool faisait déjà son effet.
Jérémy m’avait proposé cette soirée en tête à tête afin de se découvrir tout en douceur. Effectivement, il faut bien plus de deux mois de relation pour se connaitre presque parfaitement.
Cependant, au cours de notre sortie il m’avoua vouloir me présenter à l’une de ses amies. Et pour peser d’avantage dans la balance, il me certifia que je ne pourrais que m’entendre avec elle.
Si ça lui fait рlаіsіг.
Bien que réticente au début je me suis convaincue que rien ne m’en apprendrait d’avantage sur lui que ses amis.
Et bingo ! Le soleil du sud-ouest n’en est pas à sa première victime. Torréfiée à souhait, il ne lui a pas fallu cinq minutes pour s’attirer mes foudres. Lorsqu’elle fit irruption à notre table j’ai tout de suite su qu’à la fin il n’en resterait qu’une. C’est alors qu’une joute verbale commença. J’avais beau avoir la répartie suffisante son exotisme et son passé avec Jérémy lui conféré une force que je ne pouvais avoir. Et lui, comme ensorcelé, se transformait petit à petit en une sorte loup de Tex Avery : la langue pendante, la respiration saccadée, à taper du poing, hurlant à la lune,… il ne lui manquait plus qu’à baver.
Si seulement il savait.
A partir de là mes souvenirs sont nettement plus brumeux. Je me vois garder mon sang froid jusqu’à ce qu’elle nous joue la fille trop pompette pour rentrer seule chez elle. La coupe est pleine. Une professionnelle qui a su finalement vite réveiller la rebelle qui est en moi. Quelques mots de trop alcoolisés et le voilà me laissant à ma porte, le regard sévère il décide de reparler de cette soirée demain avec moi.
C’est aujourd’hui demain. Et franchement il n’y a rien à ajouter. Il s’agissait plus exactement de son ex. Il s’agissait surtout d’un moment nostalgique où je n’avais pas ma place. Il s’agissait d’un vaudeville ne m’offrant que la réplique d’un aparté. Encore une fois, je me suis faite duper. Non je préfère ne pas lui répondre. Je ne me ferais plus marcher sur les pieds. Et pour ça il me faut le meilleur équipement.
A cet été sur la glace.
**
Je me relève, encore une fois, d’une histoire sentimentale courte et foireuse (comme j’aime les collectionner). C’est alors qu’une de mes amies me dit une chose qui me fit comprendre l’omniprésence d’une certaine institution.
« Tu finiras bien par tomber sur le bon… pour le moment ça ne t’as toujours pas fait le tilt. »
Parce que l’on tombe sur le grand amour avec un bruit de clochette ? Ce serait tout de même un monde s’il suffisait d’un son pour nous permettre de faire les bons choix. Et pourquoi pas un code barre qui nous permettrait de connaitre le produit de cette relation ?
Je m’imagine, alors, débarquer dans une soirée mondaine où tous sont apprêtés pour l’occasion. Les atouts mis en valeurs, chaque protagoniste cherche, tant bien que mal, à avoir le premier rôle sur cette scène burlesque. Alors, pour que le cadre de ce début d’histoire puisse jouer une note romantique, un verre à la main, je me faufilerais jusqu’à la terrasse. Le superficiel donne le ton, laissant place aux fапtаsmеs d’une vie parfaite. Les rôles sont distribués sur cette scène géante de la rencontre des âmes. Et c’est là, que tout d’un coup, ces discussions fantasques ne deviennent que bruits de fond. Le flon-flon de l’orchestre se dissipe. Enfin arrive le moment. Ce moment où la cadence cardiaque est calquée au rythme de la musique. Un pur instant magique où nos regards se croisent suivis de la résonnance des deux coupes qui trinquent…
DIIIIIIIIIIIIING !
Serais-ce ça le tilt ? Vraiment ?! Comment reconnaitre ce signal ?
Un ami proche qui se dévoile enfin sur ses sentiments ? Une connaissance d’une amie qui n’attendait que ce moment de faiblesse pour pouvoir tenter sa chance ? Une discussion sur un site de rencontre où la fiche de présentation a fait toute la différence ? Une promotion canapé qui pourrait devenir bien plus encore ? Il y a tellement de situations possibles et imaginables que finalement les travaux d’herсules paraissent une bien piètre tâche comparée à celle de découvrir LE bon…D’autant que le dicton approprié à ce type de déception est le fameux « Un de perdu, dix de retrouvés. ».
Je ne peux malencontreusement qu’accepter cet adage auquel on peut rajouter la puissance 10. Une formule exponentielle qui, au lieu de nous réconforter, nous amène davantage à douter de ce que nous sommes. Que faire lorsque justement nous enchainons les unes après les autres des histoires si différentes mais dont la finalité reste la même… l’échec ?!
Je me suis donc faite une réflexion sur mes choix en matière d’amour. A force de désillusions et méandres amoureuses il est alors possible de comparer une relation sentimentale avec une paire de chaussures. En effet, ne dit-on pas « trouver chaussure à son pied » ? C’est alors que tout deviens claire. Je vais m’approprier au sens le plus strict du terme ce dicton comme philosophie de vie.
NOn?