La ville, la nuit, minuit, les silhouettes en fuite, les visages entrevus et oubliés, des odeurs de saucisses brûlées dans les plis du brouillard, le Rhône plus bas, noir avec des veines de clarté comme des pattes d'oiseau posées sur un terrain vague.
Un soirée à être coupé et caressé par le froid du vent (dont la tendresse a des trésors à prodiguer), descendre vers les quais et les ballets des voitures-éclipses, marcher - est-ce une promenade - au long des traces d'huiles reflétant la chevelure des anges permanentés, ayant aspergé d'arc-en-ciel lunaire leur toison.
Sous les ponts résonnent la solitude, à peine le cliquetis des pas, égouttement des écoulements, froissements de la lumière jetée telle un papier gras ; un passant, regard droit devant, tellement hétéro que le parapluie des gentlemen britanniques soutient sa rigidité en guise de colonne vertébrale, avec son сhіеп levant la patte de temps à autre ; oh pas de regards coulés, on se frôle et on ne se mélange pas.
S'approcher peut-être, ou s'appuyer à la balustrade le long de la piscine du Rhône, air dégagé, une heure du matin, le froid pince, mais ça aère, libellule égarée un ргоstіtué, le seul à être avenant. Tenter un bout de conversation, qui tombe avec le fracas des mots saisis par la glace ; buées des voix qui ne se rencontreront pas.
Deux heures du matin, direction l'autre extrémité des bords du Rhône, autrefois la glaise était le terrain des dernières conciliations et des rencontres improbables ; là aussi le béton a gagné, l'éclairage écarte l'approche discrète, la transparence est la grande entreprise du siècle jusque dans les moindres aménagements de l'urbanisme.
Trois heures du matin, les voitures foncent le long des quais, pas d'arrêt, ça négocie de cylindrée à cylindrée, le piéton ma foi va rentrer ; Lyon, il n'y a pas de ville plus sûre la nuit !