Sujet de discussion : Lanquan li jorn son lonc en mai - Jaufre Rudel
sergeclimax69007
Membre suprême
19 mai 2013 à 23:26
Du Тгоubadour Jaufre Rudel, un des plus considérables Тгоubadours, la "canso" "Lanquan li jorn son lonc en mai" (Lorsque les jours sont longs au mois de Mai), une interprétation séduisante.
Dans le texte original en langue occitane.
--- A noter qu'il n'y a pas de fautes d'orthographe dans le titre : en effet, tant le français ancien que l'occitan ancien étaient des langues à déclinaison, avec deux cas, le cas-sujet et le cas-régime, et le cas-sujet au pluriel ne commandait pas l'usage du -s comme flexion ; donc "li jorn" sans -s, et "lonc" (et non "long") sans -s sont des formes parfaitement correctes du point de vue grammatical. Par contre, l'auteur de la vidéo, lui, commet une erreur grammaticale en écrivant "li jorns" (cependant la déclinaison au 12e siècle commençait, sérieusement, à battre de l'aile).
--- Pour ceux qui s'intéressent à la poésie en langue occitane, et plus particulièrement à la poésie des Тгоubadours, voici un site en langue italienne, avec des parties en anglais, dédié à leurs compositions : des études complètes, passionnées, érudites, imaginatives, ...
Lanquan li jorn son lonc en may M'es belhs dous chans d'auzelhs de lonh, Et quan mi suy partitz de lay Remembra.m d'un' amor de lonh : Vau de talan embroncx e clis Si que chans ni flors d'albespis No.m platz plus que l'yverns gelatz.
Be tenc lo senhor per veray Per qu'ieu veirai l'amor de lonh ; Mas per un ben que m'en eschay N'ai dos mals, quar tant m'es de lonh. Ai ! car me fos lai pelegris, Si que mos fustz e mos tapis Fos pels sieus belhs huelhs remiratz !
Be.m parra joys quan li querray, Per amor Dieu, l'alberc de lonh : E, s'a lieys platz, alberguarai Pres de lieys, si be.m suy de lonh : Adoncs parra.l parlamens fis Quan drutz lonhdas er tan vezis Qu'ab bels digz jauzira solatz.
Iratz e gauzens m'en partray, S'ieu ja la vey, l'amor de lonh : Mas non sai quoras la veyrai, Car trop son nostras terras lonh : Assatz hi a pas e camis, E per aisso no.n suy devis... Mas tot sia сum a Dieu platz !
Ja mais d'amor no.m jauziray Si no.m jau d'est' amor de lonh, Que gensor ni melhor no.n sai Ves nulha part, ni pres ni lonh : Tant es sos pretz verais e fis Que lay el reng dels Sarrazis Fos hieu par lieys chaitius clamatz !
Dieus que fetz tot quant ve ni vai E formet sest' amor de lonh Mi don poder, que cor ieu n'ai, Qu'ieu veya sest' amor de lonh, Verayamen, en tals aizis, Si que la cambra e.l jardis Mi resembles tos temps pelatz !
Ver ditz qui m'apella lechay Ni deziron d'amor de lonh, Car nulhs autres joys tan no.m play Сum jauzimens d'amor de lonh. Mas so qu'ieu vuelh m'es atahis. Qu'enaissi.m fadet mos pairis Qu'ieu ames e no fos amatz.
Mas so qu'ieu vuolh m'es atahis. Totz sia mauditz lo pairis Que.m fadet qu'ieu non fos amatz !
--- Traduction en langue française :
Lorsque les jours sont longs en mai, J'aime un doux chant d'oiseau lointain Et quand je m'en suis éloigné, Me rappelle un amour lointain. Je vais courbé par le désir Tant que chants ni fleurs d'aubépine Me me valent l'hiver gelé.
Bien crois-je le Seigneur pour vrai Par qui verrai l'amour lointain, Mais pour un bien qui m'en échoit, J'ai deux maux, tant il m'est lointain. Ah ! que ne suis-je pélerin Et que ma cape et mon bâton Par ses beaux yeux soient contemplés !
La joie quand lui demanderais Au nom de Dieu l'abri lointain ! Car, s'il lui plait, je logerais Près d'elle, moi qui suis lointain. Quels doux propos on entendra Quand l'ami lointain sera proche Et quels beaux dits s'échangeront !
Triste et joyeux je reviendrais Si je la vois, l'amour lointain. Mais ne sais quand je la verrai Nos deux pays sont si lointains ! Combien de passage et chemins Et pour cela ne suis devin Mais que tout soit comme à Dieu plait !
Jamais d'amour ne jоuігais Sinon de cet amour lointain Plus noble ou meilleure ne sais En nul pays proche ou lointain Tant est précieuse et vraie et sure Que là-bas chez les Sarrazins Pour elle irais m'emprisonner
Dieu fit tout ce qui va et vient Et forma cet amour lointain Qu'il me donne pouvoir au coeur De bientôt voir l'amour lointain Vraiment et en un lieu propice Tant que la chambre et le jardin Me semblent toujours un palais
Il dit vrai qui me dit avide Et désireux d'amour lointain Nulle autre joie autant me plait Qu'à jоuіг de l'amour lointain Mais ce que je veux m'est dénié Ce sort me jeta mon parrain D'aimer mais n'être point aimé
Mais ce que je veux m'est dénié Maudit parrain qui m'a jeté Ce sort de n'être point aimé
SOURCES : LE TEXTE OCCITAN ET LA TRADUCTION FRANÇAISE PROVIENNENT DE http://moulin.veste.free.fr/rudel.htm
et vive la pluie... http://www.youtube.com/watch?v=lsmZk3-M8Qc
Pluie de mai, vache à lait !
zinneke
Membre élite
20 mai 2013 à 07:48
Merci Milosk, lien très intéressant... Vu le temps je vais avoir le temps de le lire aujourd'hui mais à première vue je serais beaucoup plus Trouvères ou même Minnesänger.
sergeclimax69007
Membre suprême
24 mai 2013 à 20:12
Bah, vous savez, seules les circonstances politiques, et en l'occurrence la croisade contre les Albigeois, ont fait de la France un pays où l'on parle français d'abord, si bien que nous nous attachons d'abord à cette langue, mais en vérité la littérature du Moyen-âge sans les Тгоubadours est une hérésie, une tromperie : ce sont eux la source de la courtoisie, du "pretz", du grand chant d'amour ; les trouvères de langue d'oïl (de langue française, ou des dialectes proches du français comme le picard ou le normand) sont venus en second, après les Тгоubadours, et les Minnesänger - de langue germaпіԛuе - de même.
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