Imotep8, je suis aussi persuadé que, quelque parti auquel on adhère, quelque parti-pris que l'on ait, quelque combat que l'on mène, la question du pouvoir se posera, et donc :
- soit l'on adoptera les institutions en place, l'on s'y coulera, et quelque ambition réformatrice que l'on ait, l’État qui signifie un pouvoir de classe l'emportera sur toutes les velléités réformatrices ;
- soit l'on entreprendra la démolition de l’État au profit de nouvelles institutions,
mais ainsi que l'ont montré l'ехрéгіепсе soviétique, et la claire lucidité de Lénine disant en 1922 qu'il était faux de prétendre que la Révolution d'Octobre avait créé un appareil d'État ouvrier alors qu'il y avait un appareil d’État hérité du tsarisme avec sa bureaucratie et toute sa barbarie, ou la Révolution espagnole de 1936 (quand les staliniens et les anarchistes ont défendu l’État républicain bourgeois contre les paysans et les ouvriers expropriant les capitalistes et les latifuпdiaires), ou d'autres ехрéгіепсеs plus récentes,
le chemin est rude, et la voie étroite.
Mais, peu importe.
Un homme, comme Jean Genet, qui a été dans un bagne pour enfants, puis en prison, dont il n'aura réchappé que grâce à l'intervention et à la demande de grâce de Jean-Paul Sartre et d'autres, ne pouvait pas s'identifier à quelque pouvoir étatique que ce soit, et il était très conscient que son hоmоsехualité - singulièrement - le rendrait victime d'un mouvement de libération nationale - comme celui des Panthères Noires ou des Fedayins palestiniens - dès lors que celui-ci se constituerait en État.
La vérité est, aussi, qu'aucun poète ou écrivain, digne de ce nom, ne peut s'imaginer membre d'unions officielles des écrivains et mettant sa plume au service d'un État.
L'exemple de l'URSS stalinienne est le plus poignant, et marque le désastre d'une identification du rôle de l'écrivain avec une fonction réglementée par l’État : l'appartenance forcée à l'Union des écrivains, et la doctrine d’État du prétendu "réalisme socialiste" ont durablement stérilisé la littérature russe et celles des pays de l'Union Soviétique, quand les écrivains n'étaient pas assassinés, ou après Staline condamnés pour "parasitisme social" et empêchés de publication (cf. le procès de Iouli & Daniel ; cf. Soljenitsyne quoi que l'on pense de son ultime dérive monarchiste, antisémite et pan-slaviste ; cf. le cas du grand poète Joseph Brodsky, prix Nobel de littérature).
Oui, "Les Bonnes", et toutes les pièces de Jean Genet marquent les étapes d'une grande écriture.
Tu me dis que c'est bien que quelqu'un lise ici et le dise.
Je suis sûr que tu as des lectures très intéressantes, Imotep8 (et dernièrement tu me recommandais Paul Fort, pour le rythme d'un de ses poèmes, que tu admires) !!!
La couverture de "Elle" et de "Splendid's", les dernières pièces de Jean Genet, publiées de manière posthume :