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Le Yiddish - Le "Blabla" bar

Sujet de discussion : Le Yiddish
  • chezvolodia Membre pionnier
    chezvolodia
    • 22 septembre 2017 à 20:47
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    Est une langue parlée par les juifs askhenazes, c’est-à-dire par les juifs d’Europe du Nord puis, essentiellement ceux que l’on appelait les juifs de l’Est (Allemagne, Europe Centrale et Orientale). Langue errante et vernaculaire par excellence, le yiddish a émergé au moyen âge aux alentours du 13ème siècle. Elle s’apparente à de multiples dialectes germaпіԛuеs venus se greffer sur des bases d’hébreu, d’araméen et d’ancien français. La première inscription en yiddish date de 1242 et provient d’un fragment de prière qui se trouve actuellement à la bibliothèque d’Israël. Le premier texte littéraire en yiddish est le manuscrit de Cambridge en 1382. Le yiddish peut s’écrire de deux façons. Pour les puristes, on utilisera des caractères hébraïques, pour les plus « modernes » des caractères latins.

    Au 14ème siècle, suite aux nombreuses persécutions dont ils font l’objet en Europe Occidentale, les juifs remontent massivement en Europe Centrale (Bohême, Pologne, Lituanie, Hongrie, etc…). Le yiddish se transforme en ргоfопԁеur au contact de ces cultures et s’enrichit alors de locutions en langues slаvеs : Tchèque, Ukrainienne, Biélorusse, Polonaise et Russe. Parallèlement, au développement de l’imprimerie, de nombreux textes en yiddish sont édités, le plus souvent des bibles et des ouvrages religieux. Il faut préciser que les femmes n’avaient pas accès aux études religieuses, réservées aux hommes, et que pour elles, seuls les livres de prières écrits en yiddish leur étaient accessibles.

    Au 18ème siècle, les populations juives d’Allemagne et d’Autriche abandonnent le yiddish pour la langue allemande en accord avec la Haskala (mouvement de pensée juif, influencé par le mouvement des lumières) d’où le mépris qui s’ensuivit pour ce « jargon » des ghettos, stigmates d’un passé détesté et emblème d’une culture rejetée en bloc comme irrémédiablement obscurantiste. Néanmoins et malgré la naissance du Hassidisme qui argumente sur la sacralité de la langue hébraïque, donnant le départ d’une littérature d’ambition et de fiction, les intellectuels juifs continuèrent à écrire en yiddish, langue parlée par les couches populaires de la société, afin de continuer à diffuser leurs idées au plus grand nombre, ce qui ne les empêche pas de s’en prendre au Hassidisme perçu comme un frein à la modernisation sociale

    Au 19ème siècle L’industrialisation et l’urbanisation des populations font du yiddish la langue du prolétariat juif et favorisent la séсularisation de la culture traditionnelle. La presse écrite et le livre, diffusés en mаssе à des prix abordables deviennent accessibles à l’ensemble de la communauté. Les troupes de théâtre se multiplient. A la fin du 19ème siècle, la lutte pour le développement du yiddish est entreprise avec ferveur par le BUND (mouvement ouvrier juif). Cette langue parlée par les communautés juives d’Europe Centrale et Orientale se répandra dans le monde, principalement en Amérique du Nord avec les vagues d’immigration de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle (dues principalement aux pogroms incessants dans toutes ces régions).

    Le 19ème siècle voit naître également une langue : la Klal shprakh, avec une grammaire normalisée et un enseignement universitaire. Elle est fondée sur le yiddish lituanien. Cette langue a pour objectif de «lisser » les différences entre les dialectes et donne au yiddish une plus grande uniformité et respectabilité. A cette époque le yiddish intègre dans son vocabulaire de nombreux mots issus du grec ou du latin, dans le lexical politique, technologique ou scientifique. Samuel Joseph Finn (1820-1890 avec d’autres auteurs lituaniens ont créé les fondations de l’historiographie de la littérature juive en yiddish.

    Le yiddish grâce à une langue stabilisée dans sa forme, devient un outil de création littéraire іпtіmеment lié à la tradition religieuse. Mendele Moîcher Sforim, Sholem Aleykhem, Isaac Leib Peretz donne à la littérature yiddish ses lettres de noblesse. Le yiddish est revalorisé, sa littérature s’ouvre sur le monde et suit le 20ème siècle.

    Le yiddish a toujours eu son importance pour les juifs de l’est. Obligés de résider dans des endroits spécifiques décidés par le tzar et/ou le gouvernement en place, ces zones appelées shetelt (bourgade juive) dans les campagnes et zone de résidence en ville, n’étaient pas clos de mur, mais regroupaient les populations juives d’une région. Bien souvent ces populations écartées des non juifs (goys) vivaient en marge et ne parlaient pas la langue du pays dans lequel ils résidaient. Le yiddish était la seule langue qu’ils connaissaient et qui leur permettaient de se faire comprendre des autres juifs vivant ailleurs, dans d’autres régions ou pays.

    En 1934 Staline crée Le Birobidjan une région autonome juive situé à l’extrémité orientale de la Russie, à la frontière Russo-Chinoise. Les juifs sont vivement encouragés à s’y installer. Au début, la région autonome accueille des milliers de personnes, qui devaient y organiser une certaine vie nationale juive. L'oblast a une langue officielle : le yiddish, l’hébreu étant considéré alors comme une langue liturgique donc contraire à l’idéologie soviétique, et de ce fait, la vie culturelle en yiddish se développe progressivement : un théâtre juif est créé en 1934, et un journal en yiddish, « L'étoile du Birobidjan » parait régulièrement. Des écoles en yiddish se développent pour faire face à l'afflux de nombreux migrants avec enfants.

    Parallèlement, aux Etats-Unis, la littérature yiddish commence à se développer après la 1er guerre mondiale, et ce, toujours en raison des pogroms, des changements de frontières : régions anciennement polonaises devenant hongroises, russes et/ou allemandes, etc… ce qui engendra de grands déplacements de populations. Isaac Bashevis Singer Qui émigra aux Etats-Unis en 1935 et obtint le Prix Nobel de littérature en 1978 en est le plus illustre représentant.

    Le yiddish étant proche de l’allemand, il est tout naturel qu’un Allemand et un Juif de l’Est se comprennent mutuellement même si certains mots d’origines slаvе ou hébraïque nécessitaient au juif de trouver d’autres mots pour se faire comprendre, car même si les concordances du yiddish avec l’allemand sont nombreuses, les différences sont importantes. Dans tous les cas, une personne parlant allemand pouvait aisément circuler dans certaines parties de l’Europe de l’Est.



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    A la fin des années 1930, environ 11 millions de personnes parlaient le yiddish et principalement en Europe (Russie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Hongrie). Dès 1940 de nombreuses collections ancienne juives au caractère précieux, des documents d’une valeur inestimable, des incunables, des camions entiers de livres religions ont été détruits. La Shoa de la seconde guerre mondiale, a pratiquement anéanti le monde juif, sa culture et le yiddish.

    Entre les années 1940-1950 les purges soviétiques vont bon train et une féroce répression s’abat sur les intellectuels et les locuteurs du yiddish. En 1948 toutes les écoles juives sont fermées y compris les orphelinats, jardins d’enfants et classes juives de Lituanie, Biélorussie et d’Ukraine. Toutes les collections de folklore, de dialectologie des institutions académiques juives de Minsk et de Kiev sont détruites. Les auteurs yiddish interdits, y compris au Birobidjan.

    Mais depuis quelques années, le yiddish semble renaître de ses cendres. La Maison de la Culture Yiddish – Bibliothèque Medem à Paris participe à la mémoire juive et dispense divers cours : de langue, de littérature, et t organise différents ateliers : théâtre, concerts, chants, rencontres avec des écrivains et des traducteurs, etc…pour adultes et enfants. Le musée d’Art du Judaïsme à Paris, organise des concerts de violons à prix très réduits par rapport à l’Opéra, voire même certains sont gratuits (réservations à faire très à l’avance).
  • climax007 Membre élite
    climax007
    • 22 septembre 2017 à 21:20
    Merci, Volodia ! Le destin du yiddish, dans Israël, défini comme le foyer national des Juifs (seuls les Juifs ayant un "droit au retour", puisqu’il est supposé une continuité ethnique DU peuple juif dans les diasporas, depuis la seconde dispersion, après la destruction du second temple, en 73-74, voir l'historien Flavius Josèphe "La Guerre des Juifs" préfacé par Vidal-Naquet) est passionnant.

    L'hébreu est langue nationale, car les Juifs séfarades pratiquaient le judéo-arabe, le judesmo - le judéo-espagnol -, et non le yiddish des shtetl européens ; cependant, les Juifs qui ne considèrent pas l’État d'Israël comme légitime, des Juifs attendant le retour des temps messiaпіԛuеs, qui rétabliront Israël dans sa plénitude orgaпіԛuе, et récusant l’actuel État comme une fausseté, une idolâtrie humaine, une usurpation par la politique du rôle divin, parlent le yiddish, seraient-ils séfarades !

    --- Le yiddish, oui, est une grande langue de culture, et les écrivains que tu cites ne sont pas du petit fretin, du tout !!!
  • mel78 Membre pionnier
    mel78
    • 22 septembre 2017 à 21:37
    Toda raba chezvolodia,
    Langue pleine de saveur et de souvenir. Une langue juive comme il en existe d'autre mais quelle belle langue vivante.
    Toujours un рlаіsіг de te lire.
  • mur92n Membre confirmé
    mur92n
    • 23 septembre 2017 à 05:26
    Merci à vous tous pour ce partage de renseignements, et savoirs, c'est un рlаіsіг que de vous lire...
  • bermi Membre pionnier
    bermi
    • 23 septembre 2017 à 11:53
    A écouter
    la musique kletzmez , paroles en yddisch ;
    chants yddish par TALILA et l ensemble kol aviv
    et beaucoup d autres ....
    bien des airs yddish ont ete repris par le jazz et sont devenus des standards ( belz et bien d autres....)
    bonne écoute
  • bermi Membre pionnier
    bermi
    • 23 septembre 2017 à 13:28

    un air du folklore yddish par l excellent B Goodmann
    c est pas récent mais ca fait vibrer
  • climax007 Membre élite
    climax007
    • 23 septembre 2017 à 15:06
    Voici un livre passionnant (je le consulte régulièrement !!!) :

    linguistique_0.jpg

    Voici son résumé sur le site de l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes En Sciences Sociales).

    "Judéo-arabe, judéo-espagnol, judéo-italien, judéo-grec, yiddish sont quelques-unes des langues des communautés juives faisant l’objet de cet ouvrage, qui poursuit trois objectifs. Il rend compte de la genèse, de la structure et de l’évolution des langues concernées. Il clarifie les méthodes d’analyse. Il s’attache aux critères de définition, met en lumière les traits structurels communs, avant de conclure sur les problématiques linguistiques de ces langues (spécificité, plurilinguisme...). Premier ouvrage de référence en langue française sur le sujet."


    Éditeur : Cnrs Editions.
    Date de parution : novembre, 2003
    Numéro ISBN : 978-2-271-06153-9
    Titre : Linguistique des langues juives et linguistique générale
    Auteurs : Jean Baumgarten, Frank Alvarez- Péreyre
    Prix : trente euros, pour 447 pages !

    Disponible chez les libraires, en neuf !
  • melomanejc Membre occasionnel
    melomanejc
    • 25 septembre 2017 à 00:32
    Grand merci, Volodia, pour cet exposé tout à fait passionnant ! Merci aussi aux autres contributeurs pour leurs apports complémentaires. Mes connaissances sur ce sujet (modestes, il me faut l'avouer) se sont, grâce à vous, subitement enrichies !
    Merci donc à vous tous, chers amis !

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