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Les chats de Loulé (Algarve, Portugal) - Littérature & poésie

Sujet de discussion : Les chats de Loulé (Algarve, Portugal)
  • sergeclimax69007 Membre suprême
    sergeclimax69007
    • 15 mars 2016 à 23:13
    On a beau être un gentleman portugais du Sud, quand on travaille dans la chaussure et la botte de luxe à partir des cuirs exotiques importés des provinces "ultra-marines" de la Nation ; on a beau avoir un tempérament et un caractère bien trempés dans la tiédeur des Algarve, et avoir le soleil pour compagnon de chasse, quand les lévriers les plus effilés, plus que les coups de vent, suivent les pistes volatiles du gibier invisible ; on a beau davantage user des outils menus qui tiennent bien dans la main que de la hachette ; on a beau être un artisan que ses concitoyens appellent Маîtге pour honorer son art, si par un jour de grande lumière, après avoir espéré la prise accompagné par les сhіепs haletant tripes et cœur, bien que la maison soit solide et que vous possédiez une raison claire et limpide, vous distinguez sans doute possible - oh, ce n'est pas la berlue - que votre porte principale a subi un outrage frontal et que désormais une chatière laisse passage à des chats que vous estimiez, caressiez au hasard sans jamais vous souvenir des noms, et appréciiez pour leur discrétion, vous avez un moment d'arrêt, de sursaut, d'écarquillement, et vous voyez votre épouse - aimée depuis vos dix-sept ans à peine moustachus - sous les espèces du cuir tanné !

    Vous voyez rouge, comme le soleil qui vibrait à Fatima - à ce que disent les bergers et ceux qui ont porté leurs voix.

    Elle vous l'avait pourtant dit et répété, vous n'aviez pas davantage écouté ses plaintes et ses insinuations de femme, Dame Ana déparle souvent, aussi ça rentre et passe et ressort, mais là vous aviez tort : "Mes chats doivent attendre qu'on leur ouvre la porte, ils sont si fiers, ils n'osent pas demander, il faut pourtant qu'ils passent, et si nous ménagions une chatière, mmmhhh ?"

    Une porte ancienne de deux siècles au moins, percée, tгоuée, déshonorée et ridiculisée par un tгоu laissant filtrer le vent, les œillades de la bourgade et les curiosités ?

    Non, non, et non !

    Quand la muraille épaisse est dressée en hauteur, il faut la saper ou la contourner ! Ou l'attaquer par surprise !

    Une partie de chasse ; quelques artisans charpentiers - étrangers à Loulé - vivement requis et payés avec largesse pour ménager une chatière exemplaire munie d'un battant silencieux ; la dignité de la maison sauvegardée : les chats passèrent dorénavant.

    C'était il y a longtemps ; les amoureux se pardonnent.

    Pourtant au cimetière de Loulé, dans la tombe où repose Simon - mon compagnon -, quelque dessеіп secret - par une faille - met à l'épreuve la patience ou l'humour post mortem du bottier de luxe : Dame Ana a, peut-être, en mаîtгеssе femme, voulu marquer qu'ici ou là-bas les chats auraient le droit de cité et celui de passage entre les deux cercueils des аmапts.

    Le jour, l'on n'entend pas.

    La nuit, mon Simon a des cauchemars, sa grand-mère lui donne la main qu'il a palpé pour retrouver un pays familier en rêvant au fil de son tourment en France - pour retrouver l'atelier et l'échoppe du grand-père, et ses cuirs de crocodile, de girafe et d'hippopotame.

    Cependant le petit se rendort dans la mort ; les chats de la noirceur, les félins qui se glissent aux couches de la terre ргоfопԁе, empruntent la chatière ; les chats emportent à leurs babines la poussière des mots à peine esquissés par l'esprit et qui ne seront pas dits par les lèvres en cette vie diurne et nocturne.

    Et les chats de gratter et de miauler, interrogateurs, au cercueil réfractaire et jeune de mon Simon, qui aimait les jeux de la lumière parmi les épaisseurs des poils et des regards des animaux nonchalants.

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