Vos arc étaient courbés comme les alizés,
Et vous visiez plus loin que les ors irisés.
Vous pépiiez un langage que les Européens,
Drapés de majesté, ont dit être des riens.
Dans la Grande Maison, chacun avait sa place,
Vous vous endormiez, embrassés, loin de la glace.
Les songes et les mystères, les sorts et les grands rites
Sculptaient vos corps de terre, en compagnie des mythes.
Les vents de l'Océan plissaient votre paupière,
Et vos regards, sur les eaux, poursuivaient leur erre.
Quand les oiseaux de bois, avec leur aile unique
Sont venus, vous ignoriez le partage iпіԛuе.
Verroteries, et quincailleries, et breloques
Ont mis les nuages et les rivières en loques.
Vous avez reconnu que vos corps étaient пus,
Et vous êtes à vous-mêmes devenus inconnus.
Et à peine êtes-vous encore en liberté
Dans ce que Pêro Vaz de Caminha a tressé.
Cinq cents ans écoulés, les mots ont ce pouvoir
Que nous puissions aux lointains vous apercevoir.
Climax, le Vendredi 9 Janvier 2015.
PS : Comme je l'ai déjà écrit, Pêro Vaz de Caminha est l'auteur de la lettre adressée au roi Dom Manuel du Portugal, depuis le littoral de ce qui deviendra la ville de Bahia de Todos os Santos, alors que l'expédition de Cabral avait atteint le futur Brésil, en "l'an de grâce" 1500. Cette lettre ("Carta a el-rei D. Manuel sobre o achamento do Brasil") se trouve aux Archives nationales portugaises de la "Torre do Tombo", à Lisbonne ; on estime qu'elle a été rédigée entre le 26 Avril et le 2 Mai 1500.
Cette lettre est une merveille quant à l'atmosphère des premiers contacts avec les Amérindiens, et pour l'étonnement sincère et curieux de Pêro Vaz de Caminha devant un peuple qui va пu, qui ne connaît pas la vertu ou le péché, qui est toute élégance et beauté et gentillesse.
C'est un moment initial qui - hélas - laissera place à la conquête, à la mise en еsсlаvаgе, à la chasse et à la réduction des peuples indiens, et à la destruction de leur être physique et culturel.
Je remets le lien vers une version digitale de cette lettre :
http://educaterra.terra.com.br/voltaire/500br/carta_caminha.htmEt je signale qu'il existe une traduction française, en bilingue, bien évidemment chez Chandeigne (sans qui la France ne saurait pas grand-chose du Portugal, des Portugais, du Brésil, et des peuples lusophones).