Sujet de discussion : "Les Portugais sont une anti-race" - (2)
sergeclimax69007
Membre suprême
6 avril 2014 à 01:15
Le Portugal, pour moi, est une passion.
Ce sera le deuxième "post" consacré à celle-ci.
Le Portugal, ce petit pays, est un des rares pays
en Europe à ne pas connaître, jusqu'à présent,
la montée significative d'une extrême-droite raciste.
Les lignes qui suivent tendent à montrer
que le racisme, au Portugal, à moins
d'ignorer et de tгаvеstіг totalement l'histoire
de la péninsule Ibérique et du Portugal,
est en contradiction avec le fait d'être
et de se sentir portugais.
Vous allez me rétorquer que la France est le produit d'une confluence de peuples tout aussi riche, et plurielle ; j'en conviens, sauf que le mythe national français tend à figer la France en une entité supra-naturelle et éternelle, en une essence immuable ignorant les apports des peuples et des civilisations. Et quand c'est reconnu, la France éternelle revient au galop !!!
Les Portugais me semblent posséder davantage le sens des changements historiques, ce qui n'étonne pas chez un peuple qui a renversé le régime autoritaire, conservateur, catholique et corporatiste, mis en place par António de Oliveira Salazar en 1928, il y a seulement une quarantaine d'années, au moyen de la Révolution portugaise commencée le 25 Avril 1974 : rien de tel que l'ехрéгіепсе active, vécue, vivante, impliquant un peuple entier dans un processus mouvementé de changements sociaux et institutionnels, pour lui inculquer le sens d'une histoire dynamique, et qu'il n'y a pas d'entités historiques éternelles !!!
Depuis la mort de mon compagnon portugais, je passe des heures à regarder les programmes télévisés du professeur José Hermano Saraiva. Cela me débrouille mon portugais et ma compréhension du Portugal !!!
A partir de lieux, de personnages, de paysages, d'événements, ce vulgarisateur passionné de la Radio-Télévision Portugaise depuis 1971(décédé en 2012) et professeur universitaire, d'abord avocat de profession, nous raconte l'histoire du Portugal.
Dans cet épisode de ses cycles d'émissions historiques, consacré au Musé National d'Archéologie portugais, situé dans la capitale portugaise, Lisbonne, nous apprenons qu'y est conservé le plus ancien objet européen fait d'une main d'homme (une main d'Homo Erectus) et que c'est une arme, avec deux faces grossières, datant d'un demi-million d'années.
Mais le plus intéressant est la succession, à l'époque historique, des peuples venant se mélanger : les "Lusitanos" (prononcez "Lousitanouch" ; je préfère vous donner le mot portugais plutôt qu'un mot approximatif français ; ce peuple ayant résisté farouchement à la conquête romaine, les écrivains latins ont laissé des écrits précieux sur leurs dieux, leurs coutumes, leurs manières), les "Túrdulos", les gens de Tartessos dont nous ne parvenons pas à déchiffrer l'écriture, les Ibères, les Celtibères, les Romains, les Vandales, les Vikings, les Goths, les Arabes, les Mozarabes, les Juifs, les еsсlаvеs noirs de l'époque des Grandes Découvertes et d'après (Lisbonne a compté jusqu'à dix pour cent de population noire au dix-septième siècle et au dix-huitième siècle, avant le tremblement de terre de 1755), etc. Bien d'autres noms de peuples pourraient ici s'ajouter.
José Hermano Saraiva prononce à la fin de ce programme une des plus belles conclusions que j'ai jamais entendues, et qui m'émeut - sachant qu'il a fallu attendre le génocide des Juifs européens et celui des Tsiganes, et le massacre massif par gazage des prisonniers de guerre russes par les nazis pour que l'unité du genre humain soit scientifiquement reconnue et proclamée, et que soit dument nié le découpage de l'humanité en des "races humaines".
"Cette histoire (que José Hermano Saraiva nous a
racontée au moyen de nombreux objets, dont de
magnifiques torques, et des pièces de monnaie en or,
ainsi que des statues de dieux martelées) nous apprend
qui nous avons été mais aussi qui nous sommes (...)
Le sang qui nous court dans les veines vient de tous
ces peuples (...) Les Portugais ne sont pas une race.
Les Portugais sont un peuple généreux.
Les Portugais sont une anti-race."
Et quand celui qui fut un salazariste assumé, un ministre de l'éducation de l'"Estado Novo" (l’État corporatiste abattu par la Révolution portugaise commencée le 25 Avril 1974), un conservateur, avec d'étranges et émouvants accents montrant sa conscience de la condition des classes populaires, assume en faveur de la vérité une mission éducative, et prononce ces mots avec une puissante force de conviction, pour marquer le nombreux public qu'il fascinait et pour barrer la route au racisme, cela me touche ргоfопԁément.
C'est d'autant plus émouvant pour moi qui ai vécu avec un Portugais dont le patronyme reflétait au moins trois ascendances, une ascendance arabe (d'une tribu arabe venue du Yémen, les Almeida), une ascendance juive (les Abécassis, des juifs qui auront été convertis de force au christianisme), et un vieux fond portugais tel qu'il s'est à peu près stabilisé avec les prémisses de la nationalité portugaise, remontant à la création du duché de Porto dépendant du Royaume de Léon, au XIe siècle (les Gonçalves), un Portugais qui avait - tout comme le professeur José Hermano Saraiva - la nette conscience de la pluralité de ses origines, et qui pouvait porter ensemble une croix chrétienne, une étoile de David, et une main de Fatma. Ce qui provoquait en France bien des perplexités.
Il n'y a, hélas, pas de version sous-titrée, ni de version francophone de cette vidéo. Elle fait partie de la série d'émissions intitulée "A Alma e a gente", que je traduirais par "L'état d'esprit [attaché aux lieux] et les personnes", et son titre "Memória de meio milhão de anos" signifie : "Un souvenir d'un demi-million d'années".
L'idéologie salazariste, quant aux peuples, consistait en la non-reconnaissance du caractère propre, africain, des colonies portugaises, du Mozambique, d'Angola, de Guinée Bissau, de São Tomé e Príncipe, des îles du Cap-Vert ou du caractère oriental de Timor-Leste et de Macao.
C’était, pour l'Estado Novo, des "Provinces d'Outre-Mer" et personne ne pouvant s'immiscer dans les affaires intérieures d'un pays, l’État colonialiste portugais proclamait, d'une manière très hypocrite (vu la manière dont il traitait ces territoires et leurs populations), le caractère unitaire indivisible de la nation portugaise, malgré, au-delà et en dépit de ses différences ethniques.
Le thème du mélange formant la nation portugaise n'est donc pas un thème anti-raciste en soi ; il peut l'être, d'une manière circonstancielle, du fait de la période durant laquelle José Hermano Saraiva répète ses convictions de toujours ; et, en outre, à un degré extrême, ce thème, ancien, a été un arme redoutable contre les colonisés !!! Et une arme raciste, sous des dehors et des aspects non-racistes.
Et puis, à bien écouter la conclusion de José Hermano Saraiva, est-ce qu'il n'exagère pas et ne mythifie pas le peuple portugais et la nation portugaise et le Portugal, en disant que "Les Portugais, sans armes, se sont trouvés bien avec tout le monde. Les Portugais sont un peuple généreux. Les Portugais ne sont pas une race. Les Portugais sont une anti-race".
Climax, tu as omis une phrase, et opéré à ton avantage, une omission, l'omission d'une phrase qui tгаvеstіt l'histoire coloniale du Portugal. Ce n'est pas bien honnête.
Cependant, l'on peut t'accorder que cet homme, qui avait la passion de l'histoire, et qui l'aura divulguée comme aucun auprès des Portugais, cet homme que l'on enviait pour sa capacité à communiquer sans téléprompteur, sans notes écrites, et que les jaloux disaient être un simple raconteur d'histoires, en prononçant cette phrase, de cette manière, joue un rôle qui n'est pas négligeable auprès du public : affirmer que "Les Portugais sont une anti-race" va à rebours des affirmations identitaires d'une extrême-droite fasciste portugaise (certes résiduelle, très minoritaire, mais existante) qui tient le Portugal pour une race à protéger.
sergeclimax69007
Membre suprême
6 avril 2014 à 19:54
Poursuivant son dialogue avec lui-même,
Climax, pris sur le fait d'avoir omis une phrase,
et pris sur le fait d'idéaliser tout ce qui touche au Portugal,
pris sur le fait par sa vigilance elle-même,
se demande comment s'en sortir,
sans manquer à la vérité !!!
Bon, admettons en réécoutant ; j'ai bien sauté cette phrase qui embellit l'histoire coloniale du Portugal, et qui nie le caractère violent de toute colonisation. Cependant, vu le nombre réduit de colons portugais, le Portugal ayant toujours été un pays d'émigration mais avec peu de moyens pour créer des colonies de peuplement - à l'inverse de la France en Algérie, par exemple -, même si, après les indépendances africaines, des dizaines de milliers de "retornados" sont allés au Portugal, qui n'était pas leur pays de naissance, si bien que le mot de "retornados", "ceux qui ont fait leur retour" est menteur, il y a eu un véritable métissage et culturel et ethnique. Le petit nombre a fait du brassage une nécessité !!!
Une colonie portugaise comme le Brésil est le plus bel exemple de ce métissage, même si - là aussi - l'abolition tardive de l'еsсlаvаgе et le racisme ont provoqué - et provoquent - des cassures dans la société brésilienne.
Je note que le Portugal peut avoir des relations apaisées avec ses anciennes colonies, parce que la Révolution commencée le 25 Avril 1974 avait pour but d'abattre le régime, et de mettre fin aux guerres coloniales, en donnant l'indépendance aux colonies : le Portugal, par sa Révolution, a réprouvé et répudié le colonialisme, et le néo-colonialisme.
Les Portugais, dans le cours de leur histoire récente, ont accepté et la différence et l'égalité humaines, les deux allant ensemble.
Cette affirmation, de type général et englobant, ne fait pas le détail, parce que je crois que, fondamentalement, elle correspond à l'état d'esprit des Portugais.
La Révolution du 25 Avril 1974 est un événement capital du Portugal, et en Europe : comme les Espagnols, ԁоmіпés par la ganache Francisco Franco, étaient en ébullition, avec cette Révolution à leur porte ; comme les bureaucraties post-staliniennes des "pays socialistes", faussement socialistes, regardaient avec méfiance cette agitation populaire ; comme le gouvernement et les cercles dirigeants des Etats-Unis d'Amérique voyaient cela avec horreur ; comme le gouvernement français, qui entretenait les meilleures relations avec le Portugal tenu sous la coupe dictatoriale - ce Portugal, fournisseur d'une main-d’œuvre à bon marché - voyait avec réprobation la Révolution portugaise !!!
Et, comme les Portugais ont été heureux de ne plus aller mourir en Angola et au Mozambique, et de ne plus massacrer dans des guerres coloniales qui les rabaissaient au rôle de tueurs. Mais, là aussi, il a fallu attendre un an, pour que les indépendances aient lieu : il y eut des résistances au Portugal... La clique des gens comme le général Spínola, ancien commandant d'armée en Afrique, Francisco Sá-Carneiro et les gens du PPD (Parti Populaire Démocratique), ancêtre du Parti Social Démocrate (droite, au Portugal) s'y est opposée de tous ses moyens.
yoomy
Membre suprême
6 avril 2014 à 19:59
Tenez, je vais être le premier à me répondre.
Poursuivant son dialogue avec lui-même, Climax, pris sur le fait d'avoir omis une phrase, et pris sur le fait d'idéaliser tout ce qui touche au Portugal, se demande comment s'en sortir, sans manquer à la vérité !!!
sergeclimax69007
Membre suprême
6 avril 2014 à 23:04
Tenez, je vais être le premier à me répondre.
Poursuivant son dialogue avec lui-même, Climax, pris sur le fait d'avoir omis une phrase, et pris sur le fait d'idéaliser tout ce qui touche au Portugal, se demande comment s'en sortir, sans manquer à la vérité !!!
Eh oui, Yoomy, moi aussi je ris ! Je fais des affirmations, mais j'ai aussi conscience de mes travers. Et je me prends "sur le fait", moi-même, kaï, kaï, kaï, ... (Je rigole comme un bossu !)
Je suis comme un joueur d'échecs qui jouerait les blancs et les noirs, à la fois.
Et comme ce "post" n'allait avoir aucune réponse (je le présumais, après trois heures d'attente) - du moins, me semble-t-il -, je me serai répondu moi-même.
Moi, ça ne me démonte pas.
Je peux mener un débat contradictoire à moi tout seul, s'il le faut !!! Mais le dédoublement peut fatiguer !
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