Deux sonnets pour vous ouvrir l'appétit :
[La traductrice et sa collaboratrice ont fait le choix de traduire, la plupart du temps, en vers de dix pieds, non assonancés, avec ici et là des exceptions pour ne pas distordre le sens, comme ici avec des alexandrins]
Puisque mes yeux jamais ne sont las de pleurer
Des peines qui sans me lasser m'accablent,
Puisque rien n'adoucit le feu où m'embrasa
Celle qu'à nul moment je n'ai pu adoucir.
Que me guide l'aveugle Amour, sans se mаssег,
Vers un lieu qui pour moi soit sans retour,
Et que le monde entier reste à l'écoute
Tant qu'un filet de voix me restera.
Et si par les forêts, les fleuves ou les vallées
Demeure la pitié, ou demeure l'amour
Chez des bêtes, oiseaux, plantes, pierres ou ondes,
Qu'ils écoutent la longue histoire de mes maux
Et que par ma douleur guérisse leur douleur :
Les peines sont guéries par de plus grandes peines !
--- Mort au jour où je suis né, qu'il périsse,
Que jamais il ne soit engendré par le temps ;
Qu'il ne revienne plus au monde, et s'il revient,
Qu'à l'instant le soleil soit frappé d'une éclipse.
Que le ciel obscurci le prive de lumière,
Que de la fin du monde apparaissent les signes,
Que du sang pleuve et que naissent des monstres,
Que la mère rejette son enfant.
Que les gans effarés, par ignorance,
Le teint blêmi et le visage en pleurs,
Croient que le monde déjà est réduit à néant.
Vous qui tremblez, ne vous alarmez point,
C'est seulement le jour qui fit naître la vie
La plus infortunée que l'on ait jamais vue !