Il y a ces musiques que j’affectionne particulièrement, car elles me font voyager.
La règle est simple. Il faut fermer les yeux, oublier le corps qui nous accroche à la croute terrestre. Ici ne compte que notre esprit, qui va alors parcourir les strates d’un voyage à travers nous-mêmes, à travers le monde. Le tempo rythme le flot de nos souvenirs, de notre mémoire qui déverse avec la mélodie les images inconscientes, qui semblent parfois ne pas nous appartenir. A ces moments, la musique semble nous emporter, dans un tout collectif, nous ne sommes plus seuls mais unis, dans un tourbillon frénétique, le tourbillon du monde, du temps. Mes images sont la ville, déversant dans la nuit son flot sanguin, alimenté par les feux des voitures, elles accélèrent, décelèrent, comme impulsées par un cœur invisible. Les immeubles voient leurs âmes s’illuminer de l’intérieur, s’animant dans des changements perpétuels.
J’ouvre les yeux, le paysage défile. Le train nous transporte, laissant filer la ville, les gens. Ceux-là courent, ceux-là s’embrassent d’un Ьаіsег passionné. La tête de notre voisin sombre dans un sommeil léger, tandis que l’autre sourit à la tournure de phrase de l’auteur dont il dévore les lignes depuis le début du trajet … enfin toute une vi(ll)e qui s’anime, se dévoile aux yeux innocents de l’enfant émerveillé dans sa poussette chicco. Une cannette de 1664 roule à mes pieds et me ramène à la réalité, ma station arrive et je descends. Ainsi je file dans les couloirs, dans le flot des passagers, des visages qui se crispent, pensent, imaginent, je nage à contre-courant de la foule, jusqu’à la sortie.
La musique s’arrête, je redescends sur terre, elle ma fait voyager assez longtemps, je dois pointer à mon travail pour ne pas être en retard, attendant de retrouver l’ivresse musicale prochaine. J’affectionne particulièrement ces musiques qui me font voyager et voir le monde.
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