Ce matin, j’ouvre, au hasard, le ԁоіgt ayant choisi pour moi, une anthologie poétique bilingue portugais-français, et j’imagine ces chrétiens qui ouvraient au hasard une Bible pour entendre une parole de leur Dieu, portant leur ԁоіgt sur une ligne déterminée par le hasard et – enfin – ouvrant les yeux, trouvant une révélation. Je rencontre un texte intitulé « Os amigos » = « Les amis ».
Quand je me reporte à la fin de cet ouvrage d’un joli format très allongé, je découvre que l’auteur est – par ailleurs – théologien catholique. Bizarre !
Voici le texte original portugais de José Tolentino Mendonça, puis la traduction de Marie-Claire Wromans.
Extraits de « Anthologie de la jeune poésie portugaise : 24 poètes », n° 33 (Avril 2004) de la revue « Bacchапаlеs » éditée par la Maison de la poésie Rhône-Alpes, pp. 114-115.
Os amigos
Esses estranhos que nós amamos
e nos amam
olhamos para eles e saõ sempre
adolescentes, assustados e sós
sem nenhum sentido prático
sem grande noção da ameaça ou da renúncia
que sobre a luz incide
descuidados e intensos no seu exagero
de temporalidade pura
Um dia acordamos tristes da sua tristeza
pois o fortuito significado dos campos
explica por outras palavras
aquilo que tornava os olhos incomparáveis
Mas a impressão maior é da alegria
de uma maneira que nem se consegue
e por isso ténue, misteriosa :
talvez seja assim todo o amor
Les amis
Ces gens étranges que nous aimons
et qui nous aiment
nous les regardons et ils sont toujours
des adolescents, effrayés et seuls
sans aucun sens pratique
sans grande notion de la menace ou de la renonciation
qui pèse sur la lumière
insouciants et intenses dans leur exagération
de temporalité pure
Un jour nous nous réveillons tristes de leur tristesse
car le signifié occasionnel des champs
explique en d’autres mots
ce qui rendait leurs yeux incomparables
Mais l’impression majeure est celle de la joie
d’une manière qui ne se réalise pas
et est pour cela ténue, mystérieuse :
peut-être tout l’amour est-il ainsi