Prés du lac en hiver
Après les trombes d'eau et la fureur du vent
On se retrouve seul, sans les rumeurs d'avant,
En silence fervent!
Ce ne sont plus les gris camaïeux de collines,
Du plus net au plus flou si loin, dont on devine
La blancheur opaline.
Seul, le bruit de nos pas assourdi, prés du lac,
Crisse encor sur la berge où, plus aucun ressac
N'agite le sable en vrac,
Stalagtites, les pleurs étanchés par les branches
Suspendent leur cristal vers la surface blanche
Sans qu'un souffle les tranche...
La pâleur du soleil, sur le miroir bleuté,
Aux reflets de diamant leur lègue sa clarté
En éclairs de beauté..;
La nature, figée, alors semble tгапsie.
Elle perd ses couleurs, mais frappée d'amnésie
Garde sa poésie.
Aucun envol d'oiseaux, sauf quelques corbeaux noirs,
Il n'émane aucun bruit des nids, ou des dortoirs
Où sommeillent les loirs...
Vestiges du printemps quelques écharpes roses,
Ne viennent plus des fleurs, mais striant le ciel n'osent
Nous montrer leur nécrose.
Seraient-ils les contours du "pays ou jamais (*)
Plus personne n'arrive?" Et pour ceux que j'aimais
Faut-il attendre mai?
Peut-on garder l'espoir qu'enfin, bientôt renaisse
L'éclosion de la vie en nouvelle jeunesse
Au lieu de droit d'aînesse?
C'est empreint de douceur et de sérénité
Que s'invite l'esprit dès lors à méditer...
Ai-je donc hérité,
Le bonheur et l'amour que nous offre la terre,
Qui nourrit de son sеіп telle une tendre mère
Ce regain qu'on espère?
(*) allusion à André Dhotel prix Fémina 1955 pour "Le pays où jamais on n'arrive"