Quand j'écoute la langue portugaise, dont tu étais si avare envers moi, je me revêts de toi, je te ressuscite en moi, j'adopte ton oreille, je me coule dans ta naïveté d'enfant, et les cactus se penchent encore, ceux que ta grand-mère, Ana, étayaient de sorte que les piquants n'aillent pas tгапspercer le passant.
Et c'était les cris dans les jardins de l'été.
Quand j'entends rouler les "r", tellement particuliers, plus singuliers que les chuintements, en Portugais d'adoption, que tu n'auras jamais adopté, j'entends les échos submergés de la langue arabe dissipée par l'Inquisition et ceux de l'hébreu effacé par les hommes de main portant la bure et des gueules de loups scolastiques.
Et c'était le sourire tard éclos d'une soirée comme tant d'autres.
Quand je me fonds dans les nasales, et parcours les entortillements des sons, de gré à gré je te possède, tu me détiens, nous avons échangé nos clés et jeté le mystère au loin, cheminant au labyrinthe où roulent, se dressent et fondent les grandes tentes du sens, comme Moïse écoutant au silence un Dieu solitaire.
Et c'était le chemin arabe mâtiné d'hébraïsmes, notre Afrique, notre Orient.
Tu portais tatoué entre les yeux ton étoile de Goa, et je lâchais chaque jour au large de l'Inde les premières ancres de la découverte, acclimatant à ton silence les retombées en lianes de ta langue, conquise par attrait et gardée au secret de mon cœur.
Et je me souviens de certain dialogue entendu, exemplaire et unique ainsi que tout avènement.