SONGE DU POETE
Le poète assoupi croit rêver mais délire.
Il pense improviser, inspiré par sa Muse,
Qui griffe le papier de sa plume et s'amuse,
En effleurent distraite une corde à sa lyre.
Loin de la gravité, qu'elle semble abolir,
Il aurait pu planer, pourtant il s'y refuse:
TERPSICHORE pour lui ne serait qu'une intruse,
Alors qu'avec CLIO pourrait-il s'amollir?
EUTERPE, pour lui plaire, au risque de salir
Son talent et son art dans le sang le tгапsfuse,
Tandis que POLYMNIE en ses veines diffuse,
Sous les notes des mots venant s'ensevelir.
Plus besoin de rayer, de changer, de polir
Ses vers avec la rime, ou chercher une excuse,
Puisque pour exprimer, limpide et non confuse
Sa pensée, il n'est plus utile de pâlir.
A l'unanimité le jury va l'élire,
Quoique sans masculine un quatrain se récuse...
Pour atteindre son but il faut alors qu'il ruse:
Il écrit en prenant un duvet d'oiseau-lyre.