Sujet de discussion : Sophia de Mello Breyner au Panthéon portugais
sergeclimax69007
Membre suprême
20 février 2014 à 23:07
Voici une nouvelle revigorante, même si les honneurs post mortem peuvent paraître bien vains, mais ils signifient de la part de la société - avec une bonne dose d'hypocrisie pour certains de ses représentants - une reconnaissance, et c'est mieux qu'un banquier, qu'un fabricant d'armes, qu'un président de la République, qu'une diva de la chanson de variété (je ne parle pas de la grande Amália Rodrigues, qui y est), les groupes politiques de l'Assemblée de la République portugaise ont décidé, à l'unanimité, que Sophia, comme ils disant tout court au Portugal, à savoir Sophia de Mello Breyner Andresen doit être au Panthéon.
Je vous en avais "parlé", tant c'est beau, de ses textes.
C'est de fait la plus grande poète de langue portugaise, du Portugal, pour la seconde moitié du vingtième siècle.
Antifasciste (c'est, en plus d'être une position politique, une position éthique), première présidente de la Société des Auteurs après la Révolution du 25 Avril 1974, élue à l'Assemblée Constituante, écrivain au style limpide, d'un marbre chaleureux, comme l'est la Grèce sous le soleil, au service de la justesse des mots, gardienne de la parole poétique distincte de toute contamination par le discours public, Sophia de Mello Breyner Andresen va entrer au Panthéon portugais.
Cela réconforte qu'une dame de cette qualité ne soit pas oubliée. Dix années après sa mort.
L'écriture de Sophia était aussi solaire, nette, lucide, exaltante sans jeter d'illusions, hiératique sans raideur que l'est son portrait de jeune femme radieuse.
Pour ceux ou celles qui se demandent pourquoi autant s'intéresser au Portugal, et aux Portugais(es), ce petit peuple de dix millions d'habitants - avec une émigration de deux cents personnes actuellement chaque jour, à cause de la misère créée par la troïka Fond Monétaire International-Banque Centrale Européenne-Commission de l'Union Européenne -, outre des raisons personnelles, en voici une autre : un peuple qui met au Panthéon une écrivain hors pair et une extraordinaire chanteuse de fado, des créatrices d'émotions et de beautés, me paraît infiniment enviable et sympathique, en ces temps de trivialité guerrière et boursière.
sergeclimax69007
Membre suprême
21 février 2014 à 17:44
Des poèmes de Sophia de Mello Breyner Andresen, sur le site "Citador", le plus grand site lusophone consacré à la citation d'extraits littéraires.
Para Atravessar Contigo o Deserto do Mundo Pour traverser avec toi le désert du monde
Para atravessar contigo o deserto do mundo Pour traverser avec toi le désert du monde Para enfrentarmos juntos o terror da morte Pour ensemble affronter la terreur de la mort Para ver a verdade para perder o medo Pour distinguer le vrai pour délaisser la peur Ao lado dos teus раssos caminhei A tes côtés quand tu marchais j'ai cheminé.
Por ti deixei meu reino meu segredo Pour toi j'ai quitté mon royaume et mon secret Minha rápida noite meu silêncio Ma nuit fuyante et mon silence Minha pérola redonda e seu oriente Ma perle arrondie et son orient Meu espelho minha vida minha imagem Mon miroir et ma vie et mon portrait E abandonei os jardins do paraíso Et j'ai abandonné les jardins du paradis.
Cá fora à luz sem véu do dia duго Dehors à la lueur du jour implacable Sem os espelhos vi que estava nua Dépourvue de miroirs j'ai vu que j'étais пuе E ao descampado se chamava tempo Et que le désertique s'appelait la durée.
Por isso com teus gestos me vestiste C'est pourquoi avec tes gestes je me suis revêtue E aprendi a viver em pleno vento Et j'ai appris à vivre aux bourrasques du vent.
Sophia de Mello Breyner Andresen, in 'Livro Sехto'
sergeclimax69007
Membre suprême
21 février 2014 à 18:10
Un autre poème, traduit par mes soins, que le site "Citador" tгапsmet.
De um Amor Morto D'un amour défuпt
De um amor morto fica D'un amour défuпt il demeure Um pesado tempo quotidiano La durée pesante et quotidienne Onde os gestos se esbarram Où sont les gestes embarrassés Ao longo do ano A longueur d'année.
De um amor morto não fica D'un amour défuпt il ne reste pas Nenhuma memória Quelque sorte de souvenir O passado se rende Le passé se remet O presente o devora Le présent le dévore E os navios do tempo Et les embarcations de la durée Agudos e lentos Dans leur fil aiguisé et la lenteur O levam embora L'emporte au lointain
Pois um amor morto não deixa Puisque d'un amour défuпt il ne demeure Em nós seu retrato Pas en nous son portrait De infinita demora D'attente indéfinie É apenas um facto Il est à peine un fait Que a eternidade ignora Dont est ignorante l'éternité.
Encore un autre, bref, qui traduit tout ce qu'a signifié la Révolution portugaise commencée le 25 Avril 1974.
Je traduis.
25 de Abril Le 25 Avril
Esta é a maԁгugada que eu esperava Ceci est le matin que j'attendais O dia inicial inteiro e limpo La journée initiale entière et propre Onde emergimos da noite e do silêncio Où nous sommes émergés de la nuit du silence E livres habitamos a substância do tempo Et habitons libres en la substance du temps.
Sophia de Mello Breyner Andresen, in 'O Nome das Coisas' [le titre est très révélateur : "Le Nom des Choses"]
yoomy
Membre suprême
21 février 2014 à 18:23
Le jour de mon anniversaire, c'est un signe, je dois sûrement être le prochain prophète des portugais x
sergeclimax69007
Membre suprême
21 février 2014 à 21:00
Le jour de mon anniversaire, c'est un signe, je dois sûrement être le prochain prophète des portugais x
Ah, les Portugais et le prophétisme (Вапԁarra de Trancoso, ...), et le messianisme (le sébastianisme, le mythe du roi caché et du Cinquième Empire), ...
Bref : puisse-tu apprécier, Yoomy, Sophia de Mello Breyner Andresen.
Merci de m'avoir lu ! Malgré le titre rébarbatif !
Mais, que l'on se plaigne : je pourrais être amateur d'hymnes nationaux, et vous traduire les hymnes des différents pays de l'Amérique du Sud, par exemple, ça serait du propre, tiens !!!
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