Elle me colla un Ьаіsег, ôta sa veste patchwork faite maison et pris place.
- Hello p’tit nours… ça va ?
- Bien… et toi ?
- Plus que mieux ! Elle est enfin partie.
- Ça s’arrose !
- Doublement si tu viens t’installer.
- Banco !
- Vrai ?
- Vrai !
Bibi vint prendre commande de nos martini-gin et informa Martine de la scène à laquelle elle venait tout juste d’échapper. Même si elle ne l’avait vu qu’une fois ou deux en ma compagnie, elle m’avait fait part de son intuition : « gaffe… il va te coller aux basques ! ». Dès lors que je rencontrais quelqu’un en compagnie de Jacques, il devenait insupportable car animé d’une jalousie maladive. Aussi fallait-il qu’il en fasse des tonnes pour imposer la fausse emprise qu’il croyait avoir sur moi. C’est pourquoi, avant cette soirée de rupture, j’avais entrepris de prendre mes distances en espaçant nos instants partagés, notamment nos nuits durant lesquelles, je dois le reconnaître, il se révélait un аmапt performant, mais juste devenu « utile » assez rapidement.
Martine n’aimait pas trop le Marais où elle ne me rejoignait que très rarement. Du moins, comme moi, elle redoutait les bars déjantés aux odeurs de sехe d’ailleurs le plus souvent gays plus que mixtes. Perso, je n’en fréquentais que très rarement, uniquement quand je ne résistais pas à l’appel du mâle. Mais ici, l’ambiance autant G&L que friendly convenait pour un pot, un dîner, avant une balade cool plein centre de Paname, un ciné ou un spectacle.
C’est à Montmartre, quartier des abbesses où je logeais dans un 20m2, que je l’ai rencontrée. Serveuse dans une brasserie très fréquentée, elle venait passer ses coupures entre deux services dans le petit bar de Rachid, un lieu à l’ancienne, magique, niché à deux pas de chez moi dans une rue peu passante du Montmartre aux allures d’autrefois. Chez Rachid venait le tout venant de la rue, marginaux ou solitaires, artistes en panne, soiffards disciplinés, trav tгапs et « femmes exprès ». J’y allais tous les week-ends, pour y lire, y boire, y fumer, y déguster couscous maison ou tagines parfumées, y refaire le monde. Quand je me suis installé sur la Ьutte, elle était déjà habituée des lieux. Je l’ai vite remarquée, plongée dans un bouquin. Je la trouva sublime, fine garçonne aux cheveux courts, aux yeux de féline. Elle m’accrocha d’un sourire instinctif, délicat, un sourire que remarqua la fille qui l’accompagnait d’apparence plus féminine et qui me parut s’ennuyer. Je me suis installé sur la longue banquette, à une table voisine de la leur. Rachid me servit mon demi-gingembre et s’adressa à Martine pour présenter celui qui aЬапԁonnait depuis peu ses livres après lecture afin de prolonger leur vie plutôt que finir en ramasse poussière dans mon cagibi que je venais d’investir. Martine lisait l’ode à Paris d’Hemingway que j’avais hésité à oublier pour qu’il rejoigne quelques œuvres marquantes de mes nombreuses lectures. Du coup, je n’eus aucun regret de le savoir entre les jolies mains que je ne manquai pas de remarquer, tout comme je nota le beau visage à peine maquillé de celle dont j’allais devenir l’ami.
Très vite, nous nous sommes dits combien les semaines étaient trop longues avant que se pointent les week-ends plus propices à nos retrouvailles devenues indispensables. En peu de temps, nous partageâmes maints рlаіsігs communs, surtout nos échappées au Touquet une fois ou deux par mois que France, son аmапtе, déplorait faute de ne pouvoir concilier ces escapades cause de boulot ԁоmіnical.
C’est lors d’une de nos éclipses pas-de-calaisiennes que Martine et moi nous accordâmes une tournure inattendue à notre couple qui n’en était pas un au sens commun. Tout est parti d’une question en apparence anodine que me posa Martine au dîner dans notre hôtel préféré : « qu’est-ce que tu aimes chez un homme ? ».
A suivre…