Quand j'habitais Paris, j'ai aimé tendrement un mec qui se disait bi, ce que j'ai toujours mis en doute dans son cas, car il était très attentif à son image, à ce qu'en pensent les autres, bref à sa "notoriété". Je crois qu'il m'a aimé, j'en suis à peu près sûr. Il savait être tendre et même passionné. Mais il m'a toujours dit que pour lui, c'était hors de question de faire sa vie avec un mec, qu'il se devait d'être prudent, de rester crédible, d'éviter le ridicule d'une liaison assumée publiquement. Nous nous sommes éloignés au fil des années, parce que nous avions chacun beaucoup à faire de notre côté. Je crois que je m'étais lassé d'attendre qu'il s'autorise un peu de bonheur. J'ai essayé de reprendre contact avec lui plusieurs fois : aucune réponse. Pourtant on ne s'est jamais faché, il n'y a jamais eu aucun problème. Je crois qu'il avait honte, qu'il ne voulait pas assumer son hоmоsехualité, ou du moins sa part hоmоsехuеllе. Il est désormais un auteur plus ou moins reconnu. Il y a de légères, très légères allusions à l'hоmоsехualité dans ses romans. Mais je le soupçonne de vouloir davantage témoigner de sa remarquable ouverture d'esprit, plutôt que de ses propres attirances. Je dois avouer être blessé par ce silence de sa part, qui ressemble non pas à une fuite mais à une vieillesse précoce.