Luis Cernuda (1902-1963) est l’un des grands poètes de la « Génération du 27 » de la littérature espagnole. Il n’a pas eu l’hyper médiatisation subie par quelques uns de ses collègues, comme Garcia Lorca. Ses sujets récurrents sont le temps qui passe, la beauté du corps masculin, et, surtout, l’amour : l’amour déjà parti, l’amour qui se fait attendre, l’amour que donne la liberté en enchaînant… Je vous donne ici la traduction d’un de ses « Poèmes pour un corps » : très gays, pas très gais (je fais ici un mauvais jeu de mots !).
1 Salvador
Sálvale o condénale,
porque ya su destino
está en tus manos, abolido.
Si eres salvador, sálvale
de ti y de él; la violencia
de no ser uno en ti, aquiétala.
O si no lo eres, condénale,
para que a su deseo
suсеda otro tormento.
Sálvale o condénale,
pero así no le dejes
seguir vivo, y perderte.
1 Sauveur
Sauve-le ou condamne-le,
puisque sa destinée
est déjà dans tes mains, abolie.
Si tu es sauveur, sauve-le
de toi et de lui ; la violence
de ne pas être un en toi, apaise-la.
Ou si tu ne l’es pas, condamne-le,
pour qu’à son désir
suive un autre tourment.
Sauve-le ou condamne-le,
mais ne le laisse pas ainsi
toujours vivant, et te perdre.