De tous les peintres surréalistes, Victor Brauner, par le sens du mystère et même par le sens du sacré (sacré qui n'équivaut pas à une hypostase religieuse, à un Dieu, réclamant un culte), par la conception de personnages confondant leurs limites, par l'usage de symboles empruntés à l'ocсultisme et à des civilisations dites "primitives" (symboles qu'il emploie à des significations personnelles), par l'accent porté sur le caractère instinctuel de la condition humaine, par la force éгоtіԛuе irradiant de nombre de ses tableaux (un éгоtіsmе chargé de menaces de castration et d'agressivité), par une perpétuelle invention qui l'a porté à utiliser les matériaux les plus improbables parmi lesquelles les coulures et les épaisseurs de la cire,
étonne,
surprend,
et tient sous le сhагmе.
Je me souviens depuis longtemps de ce tableau vu au Musée de la Ville de Saint-Étienne (Loire) : un сhіеп dont la cage thoracique est une cage contenant un être humain se tenant à quatre pattes dans cet espace confiné, délimité par des barreaux. Cette image me reste depuis mon enfance en mémoire, et je la vois distinctement alors que je n'ai pas revu ce tableau depuis vingt ans, au moins.
Ceci pour dire la force et la prégnance des tableaux de Victor Brauner, ce Roumain, qui comme Gherasim Luca, aura apporté une inflexion décisive au surréalisme parisien (tout autant que Max Ernst, Dali, Man Ray, ...)
Ce sont des images qui ne produisent pas un effet immédiat, quoique l'on reste étonné et interrogatif, mais qui cheminent en nous par le souterrain des songeries et des associations d'idées.
L'on peut tenter de les déchiffrer, cependant les tableaux de Victor Brauner sont - je me répète - comme des rêves, et ne se laisseront pas réduire à des significations univoques et définitives.
C'est le propre des grandes œuvres, de celles qui stimulent et contribuent à libérer l'imaginaire de chaque être humain, de comporter, toujours, une part de mystère.
Car le mouvement surréaliste est d'abord une entreprise de libération, et donc il conçoit le devoir urgent de mettre dans l'inconfort la logique et l'esprit de déduction ; pour cela, le mouvement surréaliste s'assigne le but de nous emmener ailleurs, vers l'inconnu familier qui nous habite, vers ce que certains appellent les processus inconscients de la psyché.
Le mouvement surréaliste,
s'il se prescrit à lui-même un devoir,
se fixe le but de nous restituer
à nous-même, à notre être authentique,
à cet être qui ne se confondra jamais
avec notre identité sociale et policée.----------------------------------------------------------------------------
Rien que pour le рlаіsіг de regarder
avec vous ces reproductions de tableaux,
je choisis au hasard de mes émotions. Le gros Ubu, Roi de la Suffisance.
Comme le rappel d'une cosmogonie amazonienne ou australienne.
La photographie de la couverture du livre de Didier Sernin consacré à Victor Brauner, un livre richement illustré et captivant.
Séduction/répulsion, amour/attaque, fusion/dé-fusion.
Fait avec de la gouache et de la cire.
Les Aztèques ne nous donneront pas toutes les clés de ce tableau. Ni les microscopes nous faisant distinguer les sрегmatozoïdes !
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Voilà je m'arrête là, sans aucune prétention d'exhaustivité ni d'avoir fourni un "échantillon représentatif" de Victor Brauner.
Cette oeuvre échappe à toute saisie, comme l'anguille, qui glisse ; elle foisonne et elle se faufile, vers chacun, comme une surprise.