Ces volutes bleutées, qui, peu à peu, envahissaient la pièce commune nettoyée à grands soins à plusieurs moments de la journée, me rappelaient, sans l'ombre d'un doute, les récits enchantés ou effroyables racontés par ma mère, comme un rituel initiatique, au chevet du lit avant le coucher de 20 heures, qui prenait des allures de cérémonial incantatoire, lorsque je percevais les formules quasi magiques prononcées invariablement à cet instant fatidique de la journée; et c'est bien alors, qu'après avoir ingurgité, comme une oie grasse que l'on gave de copieuse mélasse, un unique Ьаіsег chaste qui devait chasser pour toujours d'éventuelles pensées malsaines, c'est bien alors que je me réfugiais comme un fragile oisillon dans le creux de mon oreiller immaculé de plumes duveteuses, tout à coup seul avec moi-même, abandonné à un déferlement de songes qui prenaient tout à tour forme dans mon esprit agité, tantôt par un effort douloureux tendu à l'extrême, tantôt agressé par d'affreux monstres qui me happaient, m'enlaçaient, me lacéraient, me déchiraient et m'entraînaient dans un tourbillon sans fond, au milieu d'un siphon infernal de volutes bleutées...