Aaaaaaaadieuuu (page 5) - Jeux & divertissements

Hymne pour une neige vite enfuie : Neige incisive, tu te retires et tu ébrèches tes continents qui piègent une lumière féconde en lueurs retenues ; tu poudroies et puis, piétinée des cheminements pressés sur les mêmes voies ouvertes dessous le poids des hommes et des femmes, tu te fendilles ; tu deviens mince si bien que l'on voit, qui se contient comme un bloc de noirceur, le bitume, résumé des sueurs et des peines des hommes ; d'un effort imperceptible tu te dissous et dévoile ce goudron où bientôt retentiront derechef les impétueux soufflets que leur infligent les pieds sélects et proprets des hommes en costume orné d'un nœud plus ou moins resserré au cou juste sous la pomme qui monte et qui descend en décentes déglutitions ; bientôt plus que des ruisselets qui se retireront vers les égouts et ne trouveront plus une moite mémoire qu'en nos regrets enfuis ; un temps mi-figue mi-tristesse ouvre des pénombres et des fentes de lumières en des nuées bien trop vite dissipées comme nos vies qui semblent des buées ; le froid nous tient d'une poigne froide et nous fouille au creux des intestins d'un vif stylet ; le froid débite les neiges condensées comme une suite de sons qui détonnent subitement, retentissent et s'estompent ; c'est une pichenette de quelques degrés en trop qui vient donner le dernier coup, comme serpe émoussée, et nettoient les toitures, les chemins, les voies, les demeures -tout ce qui offre prise sous les griffes des flocons poudreux et noueux- et refonde cette ville, comme toutes les villes, en cette pureté d'un seul jour, qu'il importe de ne point négliger d'un oublieux esprit grossier.

Chapeau serge ;)

--- Et dire que le grand GEORGES PEREC, de l'OUVROIR DE LITTÉRATURE POTENTIELLE (où il était en bonne compagnie avec Raymond Queneau, Le Lionnais, et d'autres dont l'anglais Matthews), en général amateurs de mathématiques et amateurs du Jeu de Go (Perec a écrit, avec Pierre Lusson et le poète & romancier & critique littéraire & amoureux des Тгоubadours Jacques Roubaud une "Introduction à l'art subtil du Jeu de Go"), dire que GEORGES PEREC aura écrit un roman de plus de deux cents pages, qui s'appelle "La Disparition", où tour de force et contrainte imposée pour stimuler sa créativité, il aura omis & prohibé l'utilisation de la voyelle la plus utilisée en français, le "E".

-- Et l'auteur de "La vie, mode d'emploi", "Les choses", "Quel petit vélo à guidon chromé ?", etc., aura tenu ce pari & et jusqu'au bout réussi cette gageure de NE PAS EMPLOYER LA LETTRE "E" DURANT PLUS DE DEUX CENTS PAGES ET EN RACONTANT UNE HISTOIRE ÉCHEVELÉE, où la contrainte l'aiguillonnait non vers des préciosités, mais vers des péripéties inattendues et des détails biscornus !!!

--- Ce livre "La Disparition" de Georges Perec est disponible, sous une belle couverture blanche, avec un titre en relief, dans la collection "L'Imaginaire", aux éditions Gallimard ; une édition fort abordable (quant au coût) de ce texte.

-- Je rappelle que l'OULIPO (Ouvroir de Littérature Potentielle), en un temps où triomphait vainement le vers dit libre sans rime, sans cadence, sans rien ; en un temps où se déconstruisait le roman, au profit de l'absence de narrateur, de narration, et même d'événements à raconter, AU LIEU DE REVENIR A DES RÈGLES AFFIRMÉES MAIS DÉFINITIVEMENT INFÉCONDES, aura décidé d'instaurer des contraintes, auxquelles on soumettait la composition des textes, ce qui a donné lieu à deux ouvrages très accessibles en poche comportant dans leur titre le mot "Oulipo" & puis à cette merveilleuse émission de radio "Les décraqués" (qui a aussi donné lieu à un recueil agrémenté d'un CD des meilleurs moments).