Pour moi, cette chanson a de la délicatesse, de l'extrême délicatesse dans l'évocation des états amoureux les plus physiologiques : remarquez combien le verbe "mouiller" dans la Ьоuсhе de Léo Ferré n'est pas un aсоԛuіпеmепt avec ce vocabulaire faux, qui en jette, de la petite frappe ou du souteneur qui épate avec des grossièretés mais bien le verbe dans sa pleine acception métaphorique et maritime, et dans son acception physiologique la plus іпtіmе.
Il n'y a pas davantage, chez Léo Ferré, de ces élévations qui se dispensent du corps et nous dispensent des niaiseries sirupeuses d'un convenu abyssal.
Rarement, et c'est une réussite en cela, l'amour dans sa plénitude existentielle - à la fois charnel, voluptueux et sensible, délicieux - aura été chanté.
C'est tellement rare que vous pouvez compter sur les ԁоіgts d'une seule main les chansons qui réussissent ce tour de force d'embrasser tout le spectre de l'amour depuis son fondement dans les besoins instinctuels jusqu'à sa sublimation par le mot d'amour dit avec tendresse, et avec du respect, car le respect réside dans la reconnaissance pleine et entière de l'être humain intégral.
Je connais un second air, celui de Madame Butterfly, chantant qu'un beau jour nous verrons un navire se profiler par un léger filet de fumée à l'horizon, et qu'elle se cachera pour l’inquiéter un peu cet homme qu'elle attend autant, et qui lui dira après avoir gravi la colline où elle se sera fait désirer - après avoir tant désiré le bel officier - "Ma fleur de verveine" : je ne sais pas si c'est la montée progressive de l'émotion, la fin sinistre que l'on connaît, l'étourderie et la légèreté tout occidentale du marin qui s'amuse d'un cœur japonais de femme et pense que cette toute jeune femme n'est pas capable de sa grandeur tragique ; je ne sais pas si c'est le fait que cet opéra de Puccini est le premier à reconnaître aux Japonais(es), en la personne de Madame Butterfly, un statut humain et sensible, mais là aussi, il y a non de la niaiserie mais des paroles vraies.
Je mets au défi quiconque d'écouter cet air sans mouiller des yeux !
theo81500
Membre élite
21 août 2013 à 23:02
Très grand artiste ce Léo je préfère " avec le temps" cette chanson me bouleverse à chaque fois
quand à maria Callas je regrette de n'avoir pas eu le рlаіsіг de l'écouter en live. c'est une merveille
sergeclimax69007
Membre suprême
21 août 2013 à 23:14
Oui, Théo, je crois que nous pourrons tous avoir ce regret définitif de ne pas avoir vu et entendu Maria Callas sur une scène, la comédienne et la cantatrice ; en cette étrange époque qui est la nôtre, où parfois les morts chantent mieux et plus ргоfопԁément que les vivants grâce à l’œuvre reproductible et reproduite, qui ôte aux paroles la chair de l'éclat direct venant jusqu'à nous dans une union іпtіmе avec la voix unique et se produisant uniquement à ce titre - toujours différente, car c'était comme la première fois pour Maria Callas, chaque fois -, mais qui trace aux sillons les modulations et nous conserve des frissons.
--- Ah, "Avec le temps", sur un thème rebattu, s'il en est, plus que sempiternel, Léo Ferré réussit une chanson remarquable par sa retenue (gare au lacrymal facile !!!), par ses petites touches tendres et mélancoliques - sans doute mille fois prononcées par ailleurs, mais là singulièrement assemblées dans le tout d'une voix humaine -, par sa plainte (mais gare encore une fois au pathos !!!).
Oui, c'est aussi une chanson sur l'être humain, sa disparition, sa mort, le souvenir, son effacement : tant de solennités là me viennent, alors que Léo Ferré, précisément, ne joue pas du gros tambour, mais d'allusion en allusion glisse.
Grand pouvoir évocateur de ses mots qui, pour avoir été entendus pour certains tellement de fois, ne sont pas convenus pourtant.
Oui, mettons-nous "Avec le temps".
theo81500
Membre élite
21 août 2013 à 23:18
Tu écris super bien je suis obligé de m'y reprendre à deux fois pour comprendre le sens de tes phrases.
Oui, Théo, je crois que nous pourrons tous avoir ce regret définitif de ne pas avoir vu et entendu Maria Callas sur une scène, la comédienne et la cantatrice ; en cette étrange époque qui est la nôtre, où parfois les morts chantent mieux et plus ргоfопԁément que les vivants grâce à l’œuvre reproductible et reproduite, qui ôte aux paroles la chair de l'éclat direct venant jusqu'à nous dans une union іпtіmе avec la voix unique et se produisant uniquement à ce titre - toujours différente, car c'était comme la première fois pour Maria Callas, chaque fois -, mais qui trace aux sillons les modulations et nous conserve des frissons.
sergeclimax69007
Membre suprême
21 août 2013 à 23:48
Tu sais, Théo, je peux aussi écrire comme un marteau piqueur, et comme nous sommes sur un forum, j'essaye de donner de l'ampleur à ma phrase, c'est mon galop d'essai, je m'entraîne, et si tu dois t'y reprendre à deux fois pour saisir ma phrase, c'est sans doute que j'ai exagéré, perdant moi-même de vue le début et me demandant comment ficeler tout cela, il n'y a pas de "belle écriture", il n'y a que des mots en partance vers le jugement d'autres personnes, vers leur entendement et vers leur sensibilité, cependant il est vrai qu'une phrase est comme un fleur qui peut d'un pétale à l'autre, épanouis différemment, et avec des couleurs imperceptiblement différentes, attirer et se refermer sur le visiteur telle la fleur d'une plante carnivore ; alors il faut choisir entre se laisser butiner ou préserver on ne sait quelle vігgіпіté intouchable et mortifère.
Je suis un homme athée religieux, et ma religion ce sont les mots.
Sur cet aveu, digne d'un confessionnal, bonsoir, et à demain !
gael73
Membre occasionnel
22 août 2013 à 10:41
Trois homos à aimer Léo ? Mais c'est un miracle ! Je croyais qu'il n'y en avait que pour Mylène Farmer ou Dalida... Je me permets donc d'évoquer (car vous devez connaître, évidemment !) la chanson de Léo "Ton Style"... C'est de la pure amour hétéro, mais nous y pouvons trouver notre compte !
sergioben
Membre pionnier
22 août 2013 à 11:33
... Je me permets donc d'évoquer (car vous devez connaître, évidemment !) la chanson de Léo "Ton Style"... C'est de la pure amour hétéro, mais nous y pouvons trouver notre compte !
Quel texte, quelle musique, je t'aime Léo pour la vie !
gael73
Membre occasionnel
22 août 2013 à 12:23
Merci d'avoir mis la vidéo ! J'ai vu Léo sur scène (Les Hauts de Seine...) un certain nombre de fois à Avignon, notamment avec l'orchestre symphonique qu'il dirigeait. Grand moment...
sergioben
Membre pionnier
22 août 2013 à 12:36
Je n'ai pas eu le bonheur de le voir sur scène... mais j'ai dans ma cave du vin qui provient de sa propriété en Italie !
sergeclimax69007
Membre suprême
22 août 2013 à 14:35
Trois homos à aimer Léo ? Mais c'est un miracle ! Je croyais qu'il n'y en avait que pour Mylène Farmer ou Dalida... Je me permets donc d'évoquer (car vous devez connaître, évidemment !) la chanson de Léo "Ton Style"... C'est de la pure amour hétéro, mais nous y pouvons trouver notre compte !
Quand même !!! La pauvre Mylène, enfin, je resterai motus et Ьоuсhе cousue, pour ne pas agiter le drap de soie rouge provocant devant les regards extatiques de ses fans qui - après tout - peuvent ressentir (je ne peux que le supposer, dans un esprit d'apaisement et sans trop marquer d'hypocrisie, méconnaissant les prestations de cette dame) des effusions lyriques, des éblouissements quasi mystiques, des fusions épidermiques : laissons-la vivre, comme les bébés phoques sur la banquise.
Mais non, ce que tu connais, et que ma paresse devant les explorations méthodiques me fait ignorer, tu me le livres là !!!
Oui, quel texte. Mais dont le balancement, à mon goût, est moins réussi que celui de "C'est extra".
Et j'en reviens à mon leitmotiv : le mot "сul", chanté des dizaines de fois, pour qualifié qu'il soit de "grossier, familier, bas" dans les dictionnaires normatifs, ou dans ceux qui se préoccupent des registres de langage, résonne malsonnant à ma part prudhommesque, mais avec quelle justesse à ma part en possession d'elle-même.