Passe le garçon, déluré, faraud, fier de son magnétisme, sûr de la conquête : il passe, et à peine est-ce une étoile qui jette depuis des hublots charmeurs un feu dans le noir désertique, serait-ce pendant le jour d'un plein été, au coin des rues aux façades calcaires.
Passe le monsieur froncé, regard encastré sur un sourire plissé : il compose avec son statut social ; il a des responsabilités ; oh non, ce n'est certes pas cet individu à attaché-case virtuel pendant à sa main raide qui vous donnera les premiers secours du coup de foudre ; il instillera, peut-être, en vous une lente douceur que vous irez dénicher à rebours de ses yeux tourné vers l'avant tellement prévisible.
Passe le papa soucieux, sa petite fille lui sert de garde du corps avec ses cheveux en partance vers les nuages et gonflés des vents invisibles, il croit tenir la petite fille pour qu'elle ne s'égare pas mais n'allez pas lui suggérer qu'il s'abuse, qu'elle est le talisman de son cœur et sa part d'enfance intacte parmi les pérégrinations du jour.
Passe le mâle apprivoisé qui, rabroué de porter les yeux sur les chutes de reins des filles, semble loucher vers le plafond de la grande surface marchande, et de biais, par un espace recourbé, zyeuter la сhаlеuг féminine, ailleurs accueillante, et rendre hommage à la virilité en s'attardant à soupeser leurs entrejambes à des gars lumineux.
Passe, regard ԁіlаté et éteint, l'homme biberonnant le gros rouge, le cancérigène du pauvre, le revolver à la détente lente du suicidaire qui n'ose pas en finir de manière expéditive : ça divague, ça se perd, ça voyage vers les couleurs passées comme les bouquets ramassés autrefois - ou naguère ? - dans les champs des coloquintes et des coquelicots (il ne se souvient plus de l'apparence de ces fleurs, seuls demeurent les mots et les moments de la grâce).
Et il y a le regard brun dessous un sourcil mâle - happée la lumière, néant le temps - parmi les flottements animaux d'un corps à l'aise avec les inerties de sa matière chargées de sang, voici la coulée du regard venant de nulle part et sans pourquoi, est présente la saisie d'un instant qui se prolonge vers tous les horizons, alors une faille vient se glisser dans votre cœur qui fut prévisible et désormais vous échappe.
La dérive des continents, vous comprenez enfin de quoi il retourne ; le phénomène de l'écho carambolé de murailles en rebonds vous est familier au plus haut point ; l'attraction universelle des corps est une certitude absolue et ne nécessite pas une batterie de preuves superfétatoires !
Vous payez à la caisse automatique ; automate maté par la merveille, vous tentez une discrète filature du mâle brun.
Il faudrait le décrire ? Il est au-dessus de ces détails contingents ; il vit, il bouge, il a un parfum de garçon (aurait-il soixante-dix années révolues), sa sueur est de l'encens et de la myrrhe, il a le pantalon moulant et le sехe sехy ; pour le reste, adressez-vous au physionomiste surveillant le magasin.
Pourvu que l'homme mâle et brun perçoive, encore et encore, vos pas feutrés mais heurtés dans son sillage ; pourvu qu'il vous demande des comptes, avec de la rage ou avec le sourire.
Tout, sauf l'insouciance à votre égard !!!
Qu'il vous pétrisse amoureusement la gueule avec ses poings, en hétéгоsехuеl répondant aux normes sociales majoritaires ou qu'il vous recueille à tout hasard dans son lit s'il fait exception aux lois statistiques du grand nombre : qu'importe, vous ne répondez plus de rien.
Qu'il vous touche, enfin ! Vous ne lui demandez guère, vous n'osez pas espérer davantage.
Vous n'y êtes pour personne sauf pour lui, qui va vous rompre le corps par son imbécillité ou par sa douceur.
Serge-herv007.