Bonsoir à toutes et à tous
Couvrez ce sеіп que je ne saurais voir :
Santa Madonna !
Les catholiques napolitains sont en émoi. Non seulement du fait de la visite que leur rendra le pape François le 21 mars prochain, mais aussi - et surtout - à cause de cette nouvelle publicité pour la marque de prêt-à-porter Rosso di Sera !
Placardée depuis quelques jours via Marina, une artère très passante de Naples, l'affiche de 9 mètres sur 6 offre ainsi la vision géante d'une nonne en jeans, son opulente poitrine пuе à peine cachée par ses mains en prière.
Alors, hasard du calendrier ou judicieux coup marketing ? Toujours est-il qu'à une semaine de la visite papale, l'affiche fait scandale, au point que l'Institut italien d'autodiscipline de la publicité (AIP), seul autorisé à faire disparaître une publicité, a été saisi.
Devant la polémique, Rosso di Sera s'est fendu d'un communiqué, expliquant que si elle a « fait un choix de marketing fort, il n'y a aucune intention blasphématoire. Nous voulons tout sauf manquer de respect à la visite du Saint-Père », d'autant que, ajoute le fabricant, « le coup [publicitaire] a été fait il y a quelques temps ». Pas plus qu'il n'a voulu « en aucune manière banaliser l'acte de la prière » en jouant avec « l'effet caché/non caché » des mains couvrant à peine les sеіпs de la religieuse. En revanche, Rosso di Sera revendique l'irrévérence, un choix certes « impopulaire mais dans lequel [il croit] fermement », pour lequel il regrette « ргоfопԁément d'être accusé de choses très loin de nos valeurs et de notre culture ».
Mais, si choquantes que soient les affiches de Rosso di Sera et d'Antonio Federici, on aurait tort toutefois de s'arrêter à leur seul aspect provocateur. Car la publicité, en convoquant ainsi l'image du clergé, cherche aussi à profiter de l'influence liée à l'image même du personnel religieux.
En effet, pour la majorité des croyants comme pour nombre de laïcs, les prêtres, les moines et les nonnes incarnent encore aujourd'hui une forme d'abnégation. Symbole du détachement vis-à-vis des biens terrestres, de l'amour de Dieu plutôt que de l'amour de soi, ils sont censés se refuser à toute forme de tentation. Mais qu'arriverait-il si l'on apprenait qu'en fait, ils y succombent comme nous ?
Hélas ! Voilà qui nous renverrait à notre condition d'êtres imparfaits, pour qui la sainteté et le détachement moral ne seront à jamais qu'un idéal. Aussi, puisque la perfection n'est pas de ce monde, pourquoi nous priverions-nous de faire ce qui nous plaît ?
C'est en substance le message que nous adresse la publicité de Rosso di Sera qui, en ôtant sa robe à la nonne, nous révèle la femme éprise de mode qui se cache dessous. Même topo de la part d'Antonio Federici : en nous invitant à « embrasser » et à « se soumettre à la tentation » de ses glaces, sa publicité nous laisse entendre que si forte que soit la foi, nous n'en sommes pas moins des êtres de chair, gouvernés par nos passions bien plus que par la raison - fût-elle d'essence divine.
Aussi, si le Saint-Père venait à croiser la nonne sacrilège au cours de sa visite, et qu'il a quelque connaissance de la littérature classique française, peut-être se rappellera-t-il des mots du Tartuffe de Molière :
« Couvrez ce sеіп que je ne saurais voir : / Par de pareils objets les âmes sont blessées, / Et cela fait venir de coupables pensées » (acte III, scène 2).
Mais des епvіеs de chair, ou bien de consommer ?