Sujet de discussion : Gabriel García Márquez - Le réalisme magique
sergeclimax69007
Membre suprême
17 avril 2014 à 23:28
La mort annoncée ce soir (Jeudi 17 Avril 2014) de Gabriel García Márquez mérite d'être considérée, avant tous les flots de commentaires, d'hommages, d'appréciations critiques globales de son œuvre, comme un coup d'arrêt porté aux forces de l'imaginaire en littérature.
Si je considère ce dont il était capable, je me souviens d'abord de sa capacité de conter, de narrer avec souplesse, en entremêlant les fils des histoires, sans que l'ensemble en pâtisse et devienne incohérent : cet homme était habité par ses personnages ; il ne faisait pas de la littérature en surface, pour passer le temps.
Son livre le plus connu "Cent ans de solitude" ne peut pas se ramener à un résumé : la prolifération - unitaire - est telle que résumer ici, c'est trahir ; tant pis pour ceux qui "lisent" les livres en consultant des "digests" ; pour Gabriel García Márquez, cette méthode expéditive caricature tellement la narration que sa grossièreté se dénonce d'elle-même.
"Cent ans de solitude" est un livre étonnant, bien représentatif du "réalisme magique" sud-américain : souvent le merveilleux a été associé à des formes littéraires vagues et vaporeuses, laissant indécis les contours des hommes et des choses ; rien de tel avec le "réalisme magique", qui allie une grande netteté descriptive, donnant un poids de réel certain au référent littéraire (personnages, objets), une netteté de cristal, les situations étant par ailleurs des plus improbables dans notre monde commun de référence sociale.
Cette alliance du merveilleux et du réalisme dans le rendu des choses et des personnages donne une saveur inégalable aux romans de García Márquez. Saveur différente du merveilleux très métaphysique de Jorge Luis Borges. Saveur différente du merveilleux exubérant et humoristique de Julio Cortázar (un autre grand conteur d'histoires !!!)
Voilà. Quand un écrivain meurt, il convient de se le rappeler avant la déferlante qui va le mettre en pièces, faire son bilan, l'examiner dans ses à-côtés non-littéraires (et pour cela - je le parie - le condamner), le ramener à une étape dans l'évolution de la littérature, le réduire à son personnage social (étant donné la grande ignorance en littérature de ceux qui sont chargés de faire l'information) et bientôt (les nouvelles passant tellement vite) le reléguer dans l'oubli, dont seule la mort l'aura extirpé pour les médias de mаssе.
Un vrai écrivain est mort.
sergeclimax69007
Membre suprême
17 avril 2014 à 23:43
Un portrait bilingue en anglais et en espagnol, un portrait en empathie avec son sujet, Gabriel García Márquez, donnant à voir bien des aspects de la réalité colombienne, hors de laquelle il a dû se faufiler et sur laquelle il a dû s'appuyer pour donner du corps à un univers de narrations relevant à la fois du réalisme et du merveilleux.
C'est un extrait (les onze premières minutes).
Son discours lors de la réception du prix Nobel de littérature. En langue espagnole (en castillan).
En vérité, un cours d'histoire sur la réalité sud-américaine : les coups d’État, les guerres civiles menés contre leurs peuples par des régimes sanguinaires, tout ce qui a fait de l'Amérique du Sud une "solitude" peuplée de cauchemars ; G.G.M. recommande à l'Europe de regarder dans son passé pour comprendre le présent sanglant de l'Amérique du Sud ; l’originalité de la littérature sud-américaine fleurit malgré les horreurs et le cours sanglant de l'histoire "à la merci des mаîtгеs du monde", mais écoutez par vous-même.
sergeclimax69007
Membre suprême
18 avril 2014 à 02:19
asiat68
Membre émérite
18 avril 2014 à 21:24
R.I.P. Gabriel Garcia Marquez.
J'ai adoré ses livres, son style incomparable.
sergeclimax69007
Membre suprême
19 avril 2014 à 03:05
Merci, Asiat, je ne sais trop comment nos jeunes adonnés à des jeux sans paroles perçoivent l'imaginaire, quand celui-ci se réduit à un ensemble normalisé d'images 3-D spectaculaires ?
Les mots seraient-ils de trop ?
Sur un forum assez fréquenté quoi que l'on dise, qu'une seule remarque soit faite, que les autres se taisent me semblent indiquer une désaffection envers la littérature et l'usage du langage, dont l'exemple le plus criant est le calibrage, ici, des interventions audibles.
Tout cela sous le signe de la rapidité et de la superficialité.
La littérature, au contraire, c'est le règne des longueurs, des digressions, des mots qui vacillent dans l'incertitude de leur signification, des promenades vagabondes et des raccourcis fulgurants.
Gabriel García Márquez aura grandement honoré la littérature sous ces rapports.
cactus_sss
Membre suprême
19 avril 2014 à 09:30
J'ai lu et adoré "Cent ans de solitude" il y a fort longtemps. Je le conseille toujours car il fait partie du top 20 de mes lectures préférées.
sergeclimax69007
Membre suprême
19 avril 2014 à 14:36
Oui, Chris, les honneurs nationaux, trois jours de deuil en Colombie, qu'importe, si ce n'est la marque de l'intérêt sensible porté à un écrivain qui vécut par et pour les mots, au travers de toutes les péripéties de sa vie, mêlée à celle de l'Amérique du Sud ?
Aussi vaut-il mieux que des lecteurs comme toi honore cet écrivain en recommandant son principal roman, à partir duquel chacun pourra découvrir les autres écrits, comme en astronomie on voit d'abord un soleil avant de distinguer les planètes.
yoomy
Membre suprême
19 avril 2014 à 14:56
Que duermas en paz Gabo x
sergeclimax69007
Membre suprême
19 avril 2014 à 19:49
Je ne crois pas, Yoomy, que Gabriel García Márquez croyait en un monde de sensations post-mortem.
Mais oui, je le dirai en portugais :
"Que descanse em paz o grande escritor
que imaginou et representou tantos mundos
imaginários, vivos como o próprio mundo".
yoomy
Membre suprême
19 avril 2014 à 20:00
Je ne sais pas Clicli, ceci dit, son départ m'a ргоfопԁément touché. Il reste un de mes auteurs préférés, et ce, pour tout un tas de raisons que je n'exposerai pas ici.