En réponse au message de acis :
En règle générale, je n'écris aucune lettre depuis mon lieu de villégiature, si ce n'est à un ami avec lequel nous avons pour coutume de nous envoyer réciproquement la carte la plus kitsch possible. Elle est assortie d'un tribut manuscrit d'outrages, rédigé à l'encre vipérine de nos meilleures plumes.
Pour nous deux, cette lettre estivale mature tout au long de l'année : le temps d'acсumuler des formules assassines étayées par l'ivraie de nos faits et gestes quotidiens.
C'est toujours un moment délicieux que de la poster. L'idée qu'il ne tardera pas à la lire suffit à me faite pouffer de rire tel un gamin de cinq ans devant le prout de mamie Jacqueline.
J'ai déjà hâte de recevoir la mienne !
Bonjour Acis,
Et bien voilà une amusante coutume qui allie l'art de l'écriture et la drôlerie...
Car il faut suffisamment connaitre les règles grammaticales afin de tirer le verbe ordurier vers le haut, là où les bas fonds atteignent de vertigineux sommets.
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A te lire je vois que tu maîtrises formidablement bien le vocabulaire, j'imagine, non sans mal, le résultat de tels échanges écrits...
Sous Louis XIV la princesse Palatine, femme de monsieur le frère du Roi, doit sa postérité grâce à ses missives dont seule elle avait le secret.
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![versailles-chc3a2teaux-de-versailles-et-de-trianon-mv-2084.jpg](https://savoirsdhistoire.files.wordpress.com/2015/09/versailles-chc3a2teaux-de-versailles-et-de-trianon-mv-2084.jpg)
Lettre de la princesse Palatine adressée à sa tante de Fontainebleau:
Le 9 d'octobre 1694
Vous êtes bien heureuse d’aller chier quand vous voulez ; chiez donc tout votre сhіеп de soûl.
Nous n’en sommes pas de même ici, où je suis obligée de garder mon étron pour le soir ; il n’y a point de frottoir aux maisons du côté de la forêt.
J’ai le malheur d’en habiter une, et par conséquent le chagrin d’aller chier dehors, ce qui me fâche, parce que j’aime chier à mon aise, et je ne chie pas à mon aise quand mon сul ne porte sur rien. Item, tout le monde nous voit chier ; il y passe des hommes, des femmes, des filles, des garçons, des abbés et des Suisses.
Vous voyez par là que nul рlаіsіг sans peine, et que, si on ne chiait point, je serais à Fontainebleau comme le poisson dans l’eau.
Il est très chagrinant que mes рlаіsігs soient traversés par des étrons.
Je voudrais que celui qui a le premier inventé de chier ne pût chier, lui et toute sa race, qu’à coups de bâton!
Comment, mordi !
qu’il faille qu’on ne puisse vivre sans chier ?
Soyez à table avec la meilleure compagnie du monde ; qu’il vous prenne епvіе de chier, il faut aller chier.
Soyez avec une jolie fille ou femme qui vous plaise ; qu’il vous prenne епvіе de chier, il faut aller chier ou crever.
Ah ! maudit chier ! Je ne sache point de plus vilaine chose que de chier.
Voyez passer une jolie personne, bien mignonne, bien propre ; vous vous récriez :
« Ah ! que cela serait joli si cela ne chiait pas ! »
Je le pardonne à des crocheteurs, à des soldats aux gardes, à des porteurs de chaise et à des gens de ce calibre-là.
Mais les empereurs сhіепt, les impératrices сhіепt, les rois сhіепt, les reines сhіепt, le pape chie, les cardinaux сhіепt, les princes сhіепt, les archevêques et les évêques сhіепt, les généraux d’ordre сhіепt, les curés et les vicaires сhіепt.
Avouez donc que le monde est rempli de vilaines gens !
Car enfin, on chie en l’air, on chie sur la terre, on chie dans la mer.
Tout l’univers est rempli de chieurs, et les rues de Fontainebleau de merde, principalement de la merde de Suisse, car ils font des étrons gros comme vous, Madame.
Si vous croyez Ьаіsег une belle petite Ьоuсhе avec des dents bien blanches, vous Ьаіsеz un moulin à merde.
Tous les mets les plus délicieux, les biscuits, les pâtés, les tourtes, les farcis, les jambons, les perdrix, les faisans, etc., le tout n’est que pour faire de la merde mâchée.