Notre époque est plongée dans un climat anxiogène entretenu par des préoccupations légitimes au sujet de problèmes fondamentaux.
Je suis moi-même préoccupé et inquiet. Et souvent, je lis le journal avec colère ou désillusion.
Et tout ce dont on profite, potentiellement, peut nuire à d'autres par ailleurs.
Mais pour ma part, je ne pense pas que le noir puisse être l'unique couleur sur la palette de notre époque.
Les progrès médicaux et la Sécurité sociale ont permis à nombre de mes proches et de mes amis de continuer leur chemin de vie. Si j'avais vécu ne serait-ce que 30 ans en arrière, je serais orphelin de père, j'aurais perdu deux de mes oncles, l'un de mes meilleurs amis, etc. Et si j'étais né un siècle plus tôt, j'aurais sans doute gonflé les chiffres de la mortalité infantile.
Alors bien-sûr, on peut retourner l'argument. Les progrès médicaux contribuent à la surpopulation et à la menace qu'elle fait peser sur l'avenir de l'espèce. Mais bon ! Je suis bien heureux d'être en vie et de profiter de ceux qui me sont chers.
Si j'étais né cent ans plus tôt, j'aurais éprouvé beaucoup plus de difficultés à poursuivre des études : les voies étaient beaucoup plus cloisonnées et les étudiants n'étaient pas aidés. Alors bien sûr, l'école républicaine est depuis quelques temps déjà victime des carences des politiques éducatives et des politiques urbaines, mais il n'empêche qu'elle peut encore être vectrice d'une ascension sociale bien plus importante que durant le premier vingtième siècle.
La politique culturelle pourrait être bien plus ambitieuse et bien mieux ordonnée mais elle demeure une politique de démocratisation : j'ai pu m'offrir des places d'opéra pour 25 euros (je suis d'ailleurs un spectateur assidu) alors qu'au siècle dernier, je n'aurais pas eu les moyens de réserver un seul siège. Durant la seconde vague de la pandémie, la désertion des théâtres a fait que j'ai découvert des spectacles assis seul dans les mêmes loges qui, au XIXe siècle, étaient encore louées par les grosses familles bourgeoises et aristocratiques.
J'ai retrouvé avec рlаіsіг les collections permanentes de plusieurs musées gratuits ; j'ai vu des expositions d'une richesse incomparable qui auraient été impossibles à monter cent ans plus tôt.
J'ai le рlаіsіг d'échanger avec vous tous sur le forum et de m'être fait des amis dans plusieurs régions de France et sur plusieurs continents. J'ai pu les rencontrer grâce aux facilités de transport, tant du point de vue de leur performance que de leur coût. Internet me donne accès à des ressources culturelles et à des médias. Utilisé à bon escient, je trouve qu'internet est un merveilleux outil. Et internet demeure l'un des fait marquants de notre époque.
Alors bien sûr, internet est dans le même temps vecteur de graves problèmes sociaux contemporains et de déséquilibres. Mais je demeure heureux de ce que la toile peut m'offrir et je demeure vigilent à ne pas l'utiliser de façon contraire à mes principes (je continue par exemple à faire toutes mes courses dans des magasins : c'est un exemple parmi tant d'autres utilisations que je m'impose ou m'interdis).
Et bien sûr, les voyages comme le tourisme de mаssе posent des problèmes écologiques, culturels et même sanitaires ou économiques. Mais les voyages et les rencontres qu'ils m'ont donné l'opportunité de faire ont enrichi ma vie. N'importe quelle région de France se trouve désormais comme à quelques encablures. Je suis heureux d'avoir pu vivre ces moments.
Et cætera. Et cætera.
Au total, cette époque qui me cause bien des soucis me montre dans le même temps beaucoup de belles choses et me permet de vivre beaucoup de beaux moments.