Panthéon "de subito" pour une équipe nationale
Il était une fois un pays, qui sentait le coup d’État permanent et les viscères : comme à la boucherie, où l'on enterre les bêtes dans l'estomac des humains, l'oligarchie régnante officiait en grandes роmреs et à toute berzingue.
Davantage que les édiles de la Rome ancienne ou que les magistrats des cités grecques antiques, on élevait, illico presto, sitôt le cadavre raidi et à peine effleuré par la douceur amollissante de la décomposition, un écrivain, un chanteur, un cinéaste, un policier, un Tartempion, au statut de dieu ou de héros.
Mais il subsistait un problème, chatouillant le flair de l'oligarchie en place : l'histoire continuait son bonhomme de chemin, avec ses risques inhérents de désordres sociaux.
Le spectacle avait pris le premier pas sur toutes les autres fonctions étatiques et le premier-ministre maniait le goupillon de sa langue avec une dextérité défiant tous les vire-langues et tous les archevêques, rabbins et mollahs les plus démonstratifs.
Il est venu, misère de l'histoire, un jour, misère du temps présent, un jeu, misère des circonstances, en coupe du monde de football : une finale hasardeuse (hélas, hélas, triple hélas !).
Le gouvernement avait bien échauffé le nationalisme d'identification à l'"équipe nationale" et le citoyen Lambda était tout proche de la déchéance de nationalité, s'il se pinçait le nez, devant ces aplaventrismes de mаssе suintant les yeux exorbités et le sрегmе des fins de nuits alcoolisées.
Alors, le gouvernement n'a fait ni une, ni deux, faut ce qu'il faut, à la guerre comme à la guerre (et le sport est la politique guerrière continuée par d'autres moyens) : pour se précautionner contre toute malchance, il a fait estourbir, éviscérer, naturaliser (anesthésiants, camphre et formol) et panthéoniser, de subito, tous les membres, titulaires et remplaçants, de l'équipe nationale de football (dont certains faisaient baver de désir les hоmоsехuеls pas normalisés).
Et, dans une histoire parallèle et construite à l'usage des croyants, l'équipe nationale de football, a gagné, de toute éternité, la finale de la coupe du monde, sans même l'avoir jouée.
Et, depuis, les dieux lares (les dieux du foyer, en langage commun) intercèdent entre peuple et oligarchie, et tout va pour le mieux pour le beau monde.
Les citoyens sont en effet priés de munir leur chez-soi d'un coin, orné de la photographie de l'équipe nationale de football, un coin qui soit dédié à la prière et devant lequel ils brûlent leurs demandes et réclamations, dégageant des fumées informatrices qui autrement ne parviendraient pas à l'ouïe sourde des gouvernants.
C'est plus sûr, car en oligarchie, les voix humaines ont affaire à des plate-formes automatisées, de style binaire et à arborescence infinie de questions sur les doléances. Pour bien en cerner l'objet, Ah faut ce qui faut : précision, etc.
Ainsi, ce pays est heureux : il n'a pas d'histoire, cette dernière étant précédée, et exaucée par avance, selon les souhaits de la Nation enfin unie dans un Ensemble Harmonieux.
Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Amen ! Amen ! Amen ! Alléluia !
Climax007, le Vendredi Treize Juillet 2018.