Quatrième de couverture :
Dans ce document d'époque, unique en son genre, Erika Mann observe le destin des habitants d'une petite ville allemande, de l'arrivée au pouvoir de Hitler la toute puissance du régime nazi.
En dix nouvelles entrelacées, toutes basées sur les faits réels, se dresse le tableau d'un société confrontée à la terreur, à la dénonciation et à l'antisémitisme.
Editions : Le Livre de Poche - ISBN : 9 78 2253 169314 - Poche : 357 pages -
Mon avis : ChezVolodia
Au travers de ce livre Erika Mann nous montre comment s'installe un régime totalitaire. Comment se distille et se répand le poison auprès des mаssеs.
Il semble que toutes les couches de la Société aient été touchées, en premier : tout ce et ceux qui porte (nt) atteinte au nouveau régime, puis viennent les commerçant, les artisans, jugés improductifs et que l'on reconvertira de force en ouvriers d'usine ou agricole. Les paysans qui devront donner quasiment toutes leurs productions au nouveau Ministère créé (encore un nouveau) celui de l'Alimentation, avant de voir leur ferme saisie pour être transformée en terrain de manoeuvre et/ou camps de concentration et qui n'auront d'autres ressources pour ne pas mourir de faim que de s'expatrier en ville. Les citadins mis dans l'obligation, par l'Agence Locale pour l'Emploi (et oui déjà...) d'accepter des postes extrémement mal rémunérés, dans des familles pauvres, mais faisant "honneur" au Parti avec leur moyenne de 4 enfants à charge. Et enfin, les membres du Parti eux-mêmes, ceux de la première heure, opposants plus ou moins раssіfs mais lucides qu'on destituera voire, emprisonnera sous des prétextes futiles et/ou fallacieux.
Et enfin pour tous ceux qui voudront et/ou devront s'expatrier, que ce soit volontairement ou contraints et forcés, ils se devront non seulement de laisser tous leurs biens à la Nation Allemande, mais également payer d'énormes taxes (en fait des rançons extorquées sous forme de divers chantages) avant de pouvoir obtenir les "fameux tampons" permettant de quitter le pays.
Erika Mann nous livre ceci par l'intermédiaire de lettres émises par des Allemands qui ont eu à faire aux différents organismes mis en place par l'Ordre Nouveau. Elles mettent en lumière les différentes obligations que la populations a dû affronter pour "rentrer dans le moule" désiré par le Mouvement Nazi : Une course effrenée, avec obligation d'effectuer des exercices d'entraînement de défense civile pour tous, la nuit, le jour, le dimanche et ce malgré l'âge, la maladie avec pour seul objectif : la guerre, l'agrandissement de l'espace vital de la nation allemande, la revanche à prendre sur les britanniques et les français qui ont imposé d'énormes indemnités en réparation aux dommages de la guerre de 1914-1918 et ont précipité l'Allemagne dans une crise économique dont on doit sortir impérativement.
Ce livre met en lumière le mécanisme d'adhésion à plus ou moins long terme d'une population exsangue par la crise économique qui perdure depuis 1922. Le fait d'adhérer au Parti, permet d'avoir un travail, un logement, une baisse du prix de la lumière et du chauffage, un prêt si l'on veut se marier, etc... Grâce à l'Ordre Nouveau le chômage a été réduit, passant en quatre ans de 6 millions à 1 million, diverses aides sociales ont vu le jour, repas сhаuԁ subventionnés, etc... Comment le peuple n'aurait-il pas pu accepter ? Alors bien sûr, beaucoup ont profité de l'Ordre Nouveau, par lâcheté, par peur et par opportunisme.
Je n'ai pu m'empêcher de repenser au livre " 14 rue Adolph Hitler Strass" qui lui bien que ce soit un roman qui raconte la vie et le destin des habitants d'une rue de la Ruhr montrait fort bien ces mécanismes de dépersonnalisation. Evidemment le Livre d'Erika Mann est plus intéressant dans la mesure ou il relate les faits réels, qu'elle a pu constater dans une certaine mesure bien que déjà réfugiée en Suisse.