Porter. Un. Masque.
C'est la ceinture de sécurité moderne. Le masque est inconfortable. Il nous étouffe. Il fait de la brume dans mes lunettes, comme dans la chanson de Beau Dommage. Je ne vois rien et j'ai l'air du sous-commandant Marcos. J'haïs le masque. Au plus fort de la pandémie, je m'opposais à ceux qui souhaitaient le rendre obligatoire.
Mais je vais le porter.
Je vais le porter pour éviter de contaminer une personne qui va à son tour peut-être contaminer sa grand-mère. Je vais le mettre parce que j'espère que d'autres vont le mettre et ne pas contaminer ma mère ou mon père. Je les aime et je veux les garder encore longtemps. 70 ans c'est jeune, assez jeune pour nous donner encore beaucoup de bonheur.
Je vais le mettre parce que j'aimerais ça ne pas devoir reconfiner mes deux grands ados de 15 ans dont la santé mentale tient encore, mais pour combien de temps ? Je vais le mettre parce que je me souviens des étés de mes 15 et 16 ans, et que je trouve ça ргоfопԁément injuste que mon garçon et ma fille ne puissent pas vivre une jeunesse normale.
Je vais le mettre parce que des gens ont perdu leur emploi, parce que d'autres doivent aller dans des banques alimentaires, parce que ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui paient le prix de cette pandémie.
Je vais le mettre par solidarité envers ceux et celles qui n'ont pas la chance comme moi de vivre la pandémie dans le confort des privilégiés.
Je vais le mettre parce que j'accepte des contraintes à ma liberté pour vivre une vie heureuse dans une société libre.
"La liberté n'est pas une marque de yogourt" disait Falardeau. Elle n'est pas non plus un slogan ou un dogme, ou, pour paraphraser Bertrand Russell: une idéologie pour justifier l'égoïsme.
La liberté est exigeante, elle est une conquête. Elle n'est pas une conquête individuelle. Elle est une conquête collective.
La liberté est un sport d'équipe.
Personne ne sera véritablement libre tant qu'on n'aura pas battu ce virus.
Ma grand-mère a fini par accepter de porter la ceinture qui l'étouffait. C'est pour elle, pour ma mère, mon père et mes enfants, au nom d'un monde libre de ce virus, un monde qui écoute la science, que je porte le masque.
Je ne suis pas contre le port du masque bien au contraire, je travaille au public, mais en été lorsqu'il fait сhаuԁ, très сhаuԁ et que tu portes des lunettes... pas terrible disons, pour l'avoir essayé... tu suffoque!
Un p'tit retour dans les années 70, Ginette t'a mis de la brume dans mes lunettes...