Sujet de discussion : António Vieira - Grand écrivain et Jésuite
sergeclimax69007
Membre suprême
27 novembre 2013 à 23:06
António Vieira, qui pour Fernando Pessoa était "l'empereur des lettres portugaises", est un Jésuite très particulier ; très doué, il partit en mission au Brésil, s'offusqua de l'еsсlаvаgе auquel les colons portugais réduisaient les Amérindiens, fut expulsé, dut rendre des comptes à l'Inquisition à cause de se croyance en la venue d'un royaume de justice sur terre (c'est la croyance en un "Cinquième Empire", annoncé notamment par le savetier prophète Вапԁarra de Trancoso, prophétisant le retour du roi mort à la bataille d'Alcacer-Quibir, Dom Sébastien), s'érigea en défenseur des nouveaux-chrétiens (ces juifs convertis par la force au catholicisme, et auxquels l'on reprochait de "judaïser"), reçut du pape un privilège extraordinaire - ne plus dépendre de la juridiction inquisitoriale -, et durant ses séjours à la Cour du Portugal prêcha pour les rois, et devint même leur émissaire lors de délicates tractations diplomatiques.
Voilà pour la personnage, que le cinéaste Manoel de Oliveira (le cinéaste centenaire toujours vert du Portugal) a magnifiquement représenté, lors de sa confrontation à l'enquête inquisitoriale de 1663, dans le film "Palavra e utopia".
Cet homme est le seul religieux que je connaisse, qui ait réussi à faire de ses prêches - édités au Portugal, en totalité, par l'Imprensa Nacional-Casa da Moeda - des moments intenses, captivants, valant par leur manière, et marqués par la grâce de l'humour (il y a des thèses sur le comique ou l'humour dans l’œuvre d'António Vieira).
De ce style flamboyant, nous avons un exemple, édité par les éditions Chandeigne, en un volume bilingue, "Sermon de Saint-Antoine aux poissons", où, à l'exemple de Saint-Antoine de Padoue (portugais d'origine), ayant affaire à des hommes au cœur sec, à d'intraitables еsсlаvagistes, António Vieira se tourne vers ceux qui, au moins, ne se détourneront pas de lui, vers les poissons ; et chaque défaut qu'il relève dans les habitants des océans, entre autres cette anthropophagie des gros envers les petits, cette violence, cet appétit du lucre, est d'une manière détournée autant de reproches adressés indirectement aux еsсlаvagistes du Maranhão (une région du Brésil, devenue aujourd'hui un État).
Ce petit volume est un bijou du style baroque, la phrase y est courte, et touche au but, et ce qui est finalement un pamphlet semble toujours d'actualité en ces temps de capitalisme vorace, n'ayant jamais assez de marges de profit, et détruisant tout afin d'engranger ses dividendes.
Dit par l'un des poètes majeurs du Portugal, Carlos Ary dos Santos, auteur de Fados contemporains de toute beauté, poète très estimable, et communiste : ainsi l'amour des lettres a de ces attraits inattendus qui rapprochent des êtres, par-delà les siècles, et malgré l'athéisme de Carlos Ary dos Santos et le credo catholique du Père António Vieira.
Désolé, il n'y a pas de version sous-titrée !
Ne croyez pas que je "poste" pour les "happy few" -selon l'expression de Stendhal -, mais je constate, une fois de plus, combien l'ignorance des littératures de langue portugaise est grande, du fait d'une moindre traduction que celle qui exporte massivement les lettres anglo-saxonnes.
draconis
Légende urbaine
27 novembre 2013 à 23:10
Mon cher Climax, j'attends pour changer, un superbe sujet sur les USA, cette grande et belle nation, mère du capitalisme, nous feras-tu ce рlаіsіг, un jour ?
sergeclimax69007
Membre suprême
27 novembre 2013 à 23:22
Mes notions d'histoire ont des failles, mais c'est la Grande-Bretagne qui est le berceau du capitalisme, au travers du développement du machinisme, avec des prodromes dans les Provinces Unies et, encore auparavant, dans la banque italienne, qui a accompagné l'essor commercial des villes de l'Italie du Nord. Isn't it ?
Les Etats-Unis d'Amérique du Nord sont estimables parce qu'ils ont eu d'hommes et des femmes luttant pour l'égalité des droits civiques entre Noirs et blancs, pour leurs syndicalistes luttant actuellement en faveur des chicanos clandestins, pour l'existence de Joan Baez, pour ses historiens comme Howard Zinn auteur de "A people's history of the american empire", pour avoir donné au socialisme l'écrivain Jack London, pour des poètes comme William Carlos Williams, pour John Steinbeck, John Dos Раssos, Pour son dessinateur Robert Crumb (l'оЬséԁé des jambes de femmes). Pour Lovecraft.
Bref, les manières d'envisager les États-Unis d'Amérique du Nord donnent des points de vue fort dissemblables, voire antagonistes.
Réduire les USA à son seul statut de première puissance impérialiste actuelle est bien... réducteur ! Ce pays à de multiples facettes.
Et je préfère la péninsule ibérique d'António Vieira à celle de Torquemada et des brûleurs de Juifs.
D'où mon conseil de lecture en faveur de ce livre, "Sermon de Saint-Antoine aux poissons".
draconis
Légende urbaine
27 novembre 2013 à 23:38
Réduire les USA à son seul statut de première puissance impérialiste actuelle est bien... réducteur !
Certes, mais m'adressant à toi, c'est cet aspect qu'il me fallait souligner avant tout !
aabb13
Membre confirmé
28 novembre 2013 à 17:56
C'est très intéressant de connaître un peu mieux la culture portugaise par cet article qui fait parti du patrimoine européen
draconis
Légende urbaine
28 novembre 2013 à 17:59
On a tout de même un peu une overdose de Portugal actuellement, ce pays du tiers monde qui plombe comme l'Espagne et la Grèce les finances européennes.
aabb13
Membre confirmé
28 novembre 2013 à 18:22
On parle pas de fric, on parle de littérature , as tu lu au moins les livres le sermon de Saint Antoine aux poissons, Histoire du futur, du bon larron de ce jésuite portugais du XVII siècle
draconis
Légende urbaine
28 novembre 2013 à 18:31
Le dernier livre que j'ai lu c'était "Les arcanes de Naheulbeuk", un truc vachement intello que même Climax comprendrait pas. Tiens je te file un extrait.
aabb13
Membre confirmé
28 novembre 2013 à 19:28
La littérature populaire enrichi aussi l'esprit et la BD a aujourd'hui ses lettres de noblesse
sergeclimax69007
Membre suprême
28 novembre 2013 à 22:37
On a tout de même un peu une overdose de Portugal actuellement, ce pays du tiers monde qui plombe comme l'Espagne et la Grèce les finances européennes.
Micka, ton esprit exagère : une "overdose" ???? Je suis le seul à "poster" régulièrement à propos du Portugal ; c'est là une passion ; j'estime que c'est aussi un рlаіsіг que de faire part de l'existence de beaux textes qui ne sont pas promus par la publicité (et c'est le cas de tous les livres édités chez Chandeigne).
Par ailleurs, je n'adhère pas à ton opposition, caricaturale, entre une culture qui serait savante et une culture qui serait formée de sous-genres comme la Ьапԁе dessinée. Il se trouve que j'apprécie la Ьапԁе dessinée, que je sais qu'il y a des codes de lecture à maîtriser pour la comprendre, et que je m’applique à ne pas trop lâcher pied dans ce domaine. Puis-je te faire part de ma passion pour la grande dessinatrice, Chantal Montellier ???
Mon propos est, vraiment, dans un esprit de рlаіsіг à partager, de faire part de textes qui m'ont touché, comme ce "Sermon de Saint-Antoine aux poissons", d'António Vieira.
Pourquoi, Micka, vouloir décourager - comme s'il y avait afflux de matière lusophone au point de créer une marée recouvrant tout sur ce forum -, un individu comme moi ?
Encore une fois, partager mes рlаіsігs est ce qui m'anime, et c'est une manière d'être ici présent, de draguer aussi (eh oui !) de dire ce qui me plaît.
Ce n'est pas une hautaine exposition d'un savoir, mais la simple donation - à chacun qui voudra lire le texte ci-dessus - de la possibilité d'un рlаіsіг...