Il y a 15 ans, mon premier berger allemand me quittait à 13 ans bien sonnés, ce qui est une longévité honorable pour la race.
Alors qu'elle était dans son dernier souffle, je lui ai écrit ce qui suit:
Béte noire
Elle s'en va.
Tout est dit en disant cela.
Il y a comme de l'incompréhension dans son regard,
Mêlée à cette résignation qui rend hagard.
Elle va là d’où on ne revient pas.
Je ne peux rien pour elle.
Ne peux plus rien donner d'autre que du chagrin.
Peut-être même ma présence la gène, parce qu'elle veut être seule pour sa fin.
Au mieux elle va céder sans aide.
La nuit va l'emporter et demain,
Une belle journée, pleine de vie,
Ne sera pas pour elle.
Sinon, je ferai le plus que je peux faire pour elle.
Une aiguille pour lui prendre son reste de vie.
Сhіеппе de vie qui m'a fait toucher le ciel,
Et qui maintenant dépérit.
Mais pourquoi j'écris cela ?
Pour, comme elle, avoir mon mal à moi ?
Pour enregistrer ma peine, la stocker là,
L'éloigner de moi.
Peine perdue ?
Même pas, elle est fidèle comme Maya.
Elle tient au cœur, ne s'en va pas.
Se pose à mes pieds la ou je vais,
Se laisse promener.
Alors, je vais aller me coucher,
Pour dormir, pleurer.
Rêvant mon pire cauchemar:
Ma bête qui cesse de respirer.
Maya, 13 ans prés de moi.
A jamais, le bout du couloir.
Maintenant dans mon histoire
Une partie de moi manquera.C'est une implacable réalité à supporter: Toute rencontre est le point de départ d'une séparation…
Chaque сhіеп qui part me déchire, et pourtant, je prends le suivant.
Lasco est parti depuis un mois déjà et j'ai le suivant à la maison.
Avec ce berger parti bien trop tôt, j'ai perdu plus qu'un сhіеп, un ami.
Le partenaire de longues promenades en garrigue, un binôme qui n'avait pas besoin de se parler pour se comprendre.
Il savait mon énergie du jour, si j'avais la pêche ou pas.
Il m'attendait quand je me traînait, me stimulait quand la forme revenait; un vrai coach sportif.
Il veillait littéralement sur mon sommeil, réveil matin intelligent qui se manifestait toujours à propos, plus ou moins tôt en fonction de mon besoin de récupérer.
Bien sûr, ce n'était qu'un сhіеп…
Mais, comme pour Maya, il y a 15 ans, comme pour les autres сhіепs qui m'ont quitté, il y a cette perte d'un être cher, que l'on remplace tout en sachant qu'il ne l'était pas, remplaçable.
Être unique qui s'en va, partie de soi qui disparaît.
Grandeur et servitude de l'attachement réciproque, de la dépendance de l'un envers l'autre.
Bienveillance partagée, chose somme toute assez rare entre les être humains que nous sommes; ce qui explique sans doute pourquoi ce rapprochement insolite entre prédateurs d'une autre espèce…
Mais, grâce à mes bêtes, j'ai su dès l'enfance ce qu'était de s'occuper d'autrui, de veiller à son bien-être, d'être en relation.
Exercice plus simple, plus évident avec elles; plus naturel dans une animalité partagée.
Économie de paroles, abondance de caresses, regards qui veulent tout dire…
Pour moi, une voie royale pour bien s'entendre avec les gens qui ne sont pas… trop сhіепs…
