L'auteur de "Last exit to Brooklyn" était un être rare : un seul livre critique lui a été consacré en anglais ("Understanding Hubert Selby, Jr." aux University of Carolina Press), un seul livre d'entretiens aura été publié en français (quinze entretiens parus d'abord dans "Libération" puis chez Christian Bourgois éditeur) sous le titre "Selby, de Brooklyn" (ISBN 2-267-00441-0). Après ses romans, un seul livre de nouvelles, "Chansons de la neige silencieuse", et puis cette rareté posthume, "Psaumes", avec un DVD audio et vidéo (ISBN 2-915453-01-2) où il nous lit ses derniers textes.
Si vous avez, comme moi, été touché, troublé, imprégné, influencé - et davantage - que par tout autre univers romanesque, ainsi que durablement habité par le monde et les personnages de Selby, non pas à cause de son réalisme coup-de-poing (ce n'était que le moyen de vous prendre et captiver), mais à cause de son infinie tendresse et de son absence de jugement moral envers ces paumés (par quoi se signale le grand écrivain), si vous avez été fasciné par tous ses "Harry" et introduit dans des complexités humaines au-delà des apparences du mal et du bien, vous entendrez avec рlаіsіг cet entretien radiophonique - ou plutôt ce monologue - de Hubert Selby Jr., entrecoupé de larges plages de musique au banjo (ce qu'il a dû apprécier).
Sa voix exténuée d'homme qui n'avait qu'un poumon, disant pourquoi, avant de mourir, il lui fallait écrire... Bien sûr il y a un interlocuteur, mais celui-ci reste muet, et écoute.
Oui, c'est en anglais, et même moi plutôt lusophone je fais l'effort de comprendre et - s'il le faut - je m'y reprendrai à plusieurs fois !!!
Cela le mérite.
https://archive.org/details/RadioFreeGunslingerepisode70---- Les premiers personnages d'hоmоsехuеls que j'ai vus, d'une manière convaincante, animés dans un cadre romanesque sont celui du tгаvеstі Tralala, personnage peu reluisant, mais touchant par son appétit de vivre, de se distinguer, de ne pas s'aplatir, quelles que soient les péripéties de sa vie ( et de sa mort, dans le roman "Last exit to Brooklyn") et celui du syndicaliste Harry. Le premier Juif qui m'a ému est cette vieille dame qui reste collée à sa télé et attend de passer, elle aussi, à une de ses émissions préférées. Le premier assassin qui m'ait fait toucher la ргоfопԁеur derrière le crime est le personnage de "La geôle". La littérature de Hubert Selby Jr. est un apprentissage de l'humanité, dans sa laideur, sa vilenie, sa bassesse, ses fourvoiements, ses aliénations, ses choix désastreux, ses soifs de rédemption, ses haines, et ses aspirations à n'être pas le jouet de soi-même, sans que cela nous soit signifié et que cela tourne au prêche (excepté dans "The willow tree", son ultime roman qui - justement - est son roman le moins réussi, parce qu'un des personnages s'identifie, sans que personne puisse s'y tromper, comme le porte-parole du romancier moralisateur).
Un univers initiatique
lu à quinze ou seize ans
(ben oui, j'avais une mère libérale).